« Plus on en sait... moins on en sait ! » Entretien avec Vincent Jullien

Les théories se succèdent et les connaissances s’accumulent… Mais notre ignorance croît aussi avec les avancées du savoir scientifique.

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Qu’est-ce que le progrès scientifique ?

Au premier abord, le progrès scientifique désigne l’accumulation de connaissances sur la nature. En même temps, cette notion renvoie à l’idée que différentes théories se succèdent à travers l’histoire, de nouvelles explications scientifiques remplaçant les anciennes. On pourrait penser que ces deux aspects vont naturellement de pair : une nouvelle théorie serait une somme de connaissances plus importante et donc plus puissante – pouvant expliquer un plus grand nombre de phénomènes – que les précédentes. Mais les choses sont plus compliquées que ça. Une théorie plus puissante n’invalide pas forcément la précédente par exemple. Prenez la loi qui décrit et rend compte la chute des corps en physique : elle a été établie dans le cadre de la physique classique de Galilée et Isaac Newton au 17e siècle. Ce cadre théorique a été remplacé par la relativité générale d’Albert Einstein au 20e siècle. Cette approche permet d’expliquer plus de phénomènes, notamment lorsqu’il est question de mouvements très rapide à l’échelle de l’univers ou atomique. Pour autant, les équations d’I. Newton restent valides à toute autre échelle ! Vous pouvez les utiliser pour calculer une trajectoire sur Terre par exemple.

Les nouvelles connaissances complètent-elles ou remplacent-elles les anciennes ?

C’est toute la question. D’un côté, il est indéniable que certaines connaissances demeurent, même lorsque le cadre théorique qui leur a donné naissance a été abandonné. L’âge de la Terre, le caractère périodique des propriétés chimiques, les propriétés particulières de zones cérébrales ne sont pas près d’être remis en question. D’un autre côté, l’émergence d’une nouvelle théorie ne garantit pas un « progrès », au sens de « un discours plus proche de la vérité ». Aujourd’hui par exemple, les physiciens s’accordent à dire que quatre « interactions élémentaires » – électromagnétique, gravitationnelle… – sont responsables de tous les phénomènes physiques observés dans l’Univers. Si l’on remonte à l’Antiquité, beaucoup de philosophes pensaient, à la suite d’Empédocle (5e siècle avant notre ère), que tous les corps et matériaux étaient constitués de quatre éléments : l’eau, la terre, l’air et le feu. Posons-nous la question : l’une de ces théories est-elle plus proche que l’autre d’une « vérité » qui dirait définitivement ce qu’est la nature de la matière et des interactions dans l’univers ? Lorsqu’on répond par l’affirmative, on confond – par commodité – la vérité et la puissance, ou l’efficacité. En réalité, la réponse n’a rien d’évident.