Depuis la fin du XVIIIe siècle, la possession démoniaque perd de sa crédibilité en Occident pour bien des raisons. L’influence du christianisme décline tandis que d’autres croyances naissent, avec de nouvelles religions comme le spiritisme ou la théosophie, de nouvelles figures de sorciers, de sorcières, de fées et autres lutins, l’idée de folklore prenant forme dans toute l’Europe. Enfin, les nombreuses découvertes médicales tant neurologiques que psychiatriques proposent des causalités humaines à ces phénomènes. Le croyable se transforme donc profondément au XIXe siècle. Certes, l’Église catholique continue – et ce jusqu’à nos jours – d’affirmer la possibilité d’être possédé par le diable. Le démon serait en effet capable d’envahir le corps humain en en prenant possession et seul le grand exorcisme, pratiqué par un prêtre selon des règles précises et avec la permission de l’évêque, serait apte à le chasser. Si le XIXe siècle connaît encore bien des cas dits de possession, comme celui du curé d’Ars qui, selon ses dires, se battit physiquement des nuits entières contre le démon, il semble néanmoins que, dès ses premières décennies, l’exorcisme devienne une pratique pour laquelle le clergé est bien souvent réticent, et que le médecin soit appelé avant ou après le prêtre.
Le fémur de lady Lincoln
La mise au jour du somnambulisme magnétique en 1784 (appelé hypnose en 1843) a certes ravivé les interrogations de certains membres du clergé. En effet, dans cet état modifié de conscience, ceux et celles que l’on nomme « somnambules magnétiques » peuvent parfois ressembler fortement aux possédés. Ils parlent des langues qu’ils ne connaîtraient pas ; il arrive qu’ils profèrent – en particulier les femmes et les jeunes filles – blasphèmes et injures, qu’ils soient anesthésiés sur certaines parties du corps, déploient une force extraordinaire, ou encore fassent des prédictions en tant que voyant(e)s. Or, ces signes sont donnés par l’Église comme caractéristiques de la réalité d’une possession diabolique. Et ces cas, lorsqu’ils sont mis au jour, sont de plus en plus régulièrement présentés à des médecins, qui ne savent pourtant pas définir clairement ce qu’est ce somnambulisme magnétique (pas plus que l’hypnose ensuite).