Postmodernité. Une idée fin de siècle ?

Confectionner de la musique techno en faisant déraper les vieux trente-trois tours de rock'n roll en vinyle, créer des world musics, métissage de roots africaines et de jazz contemporain, de rap des cités et de folklore celtique, aller manger indien le midi et tex-mex le soir, jeter sur sa tenue moulante en skaï un vieux châle hippie à impression cachemire, porter une main de fatma avec une croix chrétienne, collectionner les vieux souvenirs et parsemer son logis d'objets obsolètes qui défient les canons du « bon goût » sont autant de petits signes qui paraissent bien anodins, anecdotiques mêmes, et qui pourtant peuvent être lus comme des manifestations du postmodernisme ambiant.

Modes et styles de vie

Pour plusieurs sociologues anglo-saxons (David Harvey, Colin Campbell, Zygmunt Bauman, Barry Smart), les nouvelles formes de consommation ont une place centrale dans la culture postmoderne. Cette dernière se manifeste dans des « styles de vie » divers, éclectiques, souvent éphémères, et surtout opposés à la culture de masse uniforme produite par une modernité standardisée.

Trois sociologues tasmaniens (cela fait plus postmoderne que de les dire australiens !), Stephen Crook, Jan Pakulski et Malcom Waters, décrivent le changement social dans les sociétés avancées comme le résultat de la « dé-construction » du capital et du travail, de la « dé-composition » des classes sociales, de la « dé-centralisation » de l'autorité étatique, de la « dé-différenciation » de la culture savante et de la culture populaire. De nouveaux modes d'organisation du travail se sont substitués au fordisme ; la nébuleuse des classes moyennes a remplacé les découpages en classes sociales bien distinctes...

Dans Le Temps des tribus, Michel Maffesoli s'attache à décrire la modification des nouveaux liens sociaux. Pour ce sociologue, on voit s'opérer une « fragmentation » sociale où les individus cessent d'appartenir à un groupe monolithique. Ce seraient désormais le partage des goûts et des émotions, les liens contractuels et les réseaux virtuels qui fonderaient de nouvelles « tribus » fluides et mouvantes. Au-delà de l'individualisme engendré par la modernité, M. Maffesoli voit un progrès dans l'expression de la liberté de chacun et l'hétérogénéité qu'elle entraîne. Styles de vie, tribus, interactions, réseaux deviendraient-ils les maîtres mots pour définir les sociétés contemporaines ?