Le double objectif de Jean-Luc Leleu est de revenir sur un certain nombre de poncifs concernant le débarquement du 6 juin 1944 véhiculés par les historiens eux-mêmes et, en considérant la réaction allemande, de la comprendre mieux. Ce qui le mène à soulever la question suivante : la dictature produit-elle de meilleurs soldats ? Parmi les idées reçues sur l’opération Overlord perdure celle d’une réussite fondée sur la faiblesse des effectifs allemands positionnés en face.
En fait, depuis plusieurs mois, des troupes avaient été transférées sur place et maintenues en état d’alerte. Cette opération était attendue depuis plus de deux ans par les Allemands. Pourtant, une brève amélioration météorologique réussit à prendre au dépourvu la Wehrmacht qui s’attendait à un report. Ce qui montre l’importance de la dimension psychologique de l’affaire. « Comment comprendre alors le décalage entre cette anticipation globalement correcte de la menace et le désarroi face à la soudaine situation d’urgence ? Moins qu’une impréparation tactique, il s’est agi d’une rigidité mentale. » Car, d’une armée allemande offensive, souple, rapide et audacieuse pendant les deux premières années de guerre, on était passé à une autre, enfermée dans des schémas mentaux, arrogante et incapable de prendre la mesure de ses adversaires. Régnaient donc de ce côté le déni de réalité, la croyance en l’infaillibilité du Führer et dans le pouvoir miraculeux d’armes secrètes. L’engagement des troupes était loin d’être fanatique, plutôt mécanique, c’est-à-dire obéissant aux ordres, comme on le lui avait inculqué. Jusqu’à la chute finale.