La sonate au clair de lune de Beethoven existe-t-elle ? Fait-elle son entrée dans le monde réel simplement quand on l’écoute ? Et ce trou dans le mur, quel est son mode d’existence ? Et ce nuage multiforme qui s’étire, s’enroule, se mêle à d’autres ? Entre le réel et l’irréel, l’être et le néant, il y aurait toute une palette de modes d’existence. Une réflexion qu’ont bien sûr relancée le Web et ses mondes virtuels. Le monde de World of Warcraft, auquel jouent des millions d’internautes en ligne, a bien une forme d’existence. Mais comment la caractériser ?
On disait la métaphysique moribonde, sinon déjà enterrée. Et pourtant. Qu’elle soit réactivée par les derniers développements de la physique ou par les mondes créés par l’informatique, « la science de l’être en tant qu’être » chère à Aristote, loin d’être une pâle survivance du passé, est en plein renouveau. Emmanuel Kant, Friedrich Nietzsche, Martin Heidegger, Jacques Derrida, ou même Jürgen Habermas dans un mouvement qui semblait irréversible sonnaient son glas. Non pas dans un mouvement nostalgique qui réhabiliterait les grands systèmes d’autrefois, mais dans une perspective résolument moderne. « Métaphysicien » n’est désormais plus un nom d’oiseau adressé à un penseur verbeux aux propos éthérés et grandiloquents. La métaphysique est morte, vive la métaphysique !
L’élection en 2010 de Claudine Tiercelin au Collège de France à une chaire intitulée « Métaphysique et philosophie de la connaissance » en est sans doute le meilleur signe. La philosophe aime à citer Émile Meyerson qui dans les années 1930 l’annonçait tout de go : « L’homme fait de la métaphysique comme il respire, sans le vouloir et surtout sans s’en douter la plupart du temps. » Un peu comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, nous sommes tous des métaphysiciens même à notre insu.