> Jeanne Siaud-Facchin
Psychologue, psychothérapeute et fondatrice des centres de consultation psychologique intégrative Cogito’Z, elle a notamment publié Mais qu’est-ce qui l’empêche de réussir ? (Odile Jacob, 2015).
Vous mettez en garde devant l’utilisation excessive du terme « échec scolaire » et suggérez de parler plutôt de « difficultés ». Quelle différence faites-vous entre ces deux termes ?
La difficulté scolaire est normale et nécessaire à l’apprentissage. Pour mobiliser ses capacités, il faut être confronté à des difficultés. Mais quand la difficulté devient trop importante, on peut basculer dans l’échec. L’échec induit la démotivation et l’effondrement de l’estime de soi, ce qui, en retour, amplifie les difficultés scolaires. Une spirale peut se mettre en place très rapidement.
Vous évoquez un basculement des approches du « tout psy » vers le « tout neuro » aujourd’hui. Quels en sont les risques ?
Pendant longtemps, on a eu tendance, surtout en France, à expliquer les difficultés scolaires sous l’angle des troubles affectifs, passant parfois à côté d’un trouble neurologique. Ce type d’approche « tout psy » existe toujours. Il arrive encore qu’on associe une difficulté à entrer dans la lecture ou un blocage en maths à une relation trop fusionnelle avec la mère ou à un père trop sévère. Puis, les neurosciences sont arrivées et nous ont permis de mieux comprendre ce qui se passe dans le cerveau à ce moment-là. Elles ont pris une place prépondérante, notamment dans les pays anglo-saxons, avec parfois aussi des dérives. La meilleure illustration est celui de la Ritaline, médicament prescrit aux enfants avec un TDAH (trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité). Aux États-Unis par exemple, ce sont les professeurs eux-mêmes qui distribuent la Ritaline aux enfants turbulents. Or, si ce médicament peut être efficace dans le cas d’un réel TDAH, il n’a aucun effet quand la difficulté provient d’une forte anxiété, par exemple. Il faut donc avoir un regard le plus intégratif possible sur l’enfant pour bien comprendre ses difficultés. Pour l’enfant, c’est très important de savoir qui il est, comment il fonctionne et comment on va le sortir des complications qui sont les siennes, à tel ou tel moment de sa scolarité.