Dans la terminologie de santé publique, l’infanticide est défini comme l’homicide au cours de la première année de la vie. L’homicide perpétré sur un enfant dans les 24 premières heures de son existence est, lui, dénommé « néonaticide ». L’intérêt porté aux infanticides se justifie par leur nombre élevé par rapport aux homicides aux autres âges de la vie. Il se justifie aussi par l’ignorance de leur réelle fréquence du fait de confusions, reconnues dans toute la littérature scientifique internationale, entre infanticides, morts subites du nourrisson, accidents domestiques et morts de cause inconnue dans les statistiques de mortalité.
Ces réflexions ont conduit une équipe du Centre de recherche, médecine, santé, santé mentale, société (Inserm) à mener une recherche sur « Les morts suspectes de nourrissons de moins de 1 an » auprès des hôpitaux et des tribunaux de trois régions françaises. Elle a porté sur cinq années (1996-2000). Les données recueillies ont été recoupées avec les statistiques officielles de mortalité du Centre d’épidémiologie des causes médicales de décès (CépiDc Inserm). Cette enquête montre que la sous-estimation du nombre d’infanticides est massive dans notre pays. Ainsi, à partir de l’enquête hospitalière, on peut estimer leur nombre moyen annuel, au niveau national, à environ 255 quand le CépiDc en compte17 (pour la période 1996-2000).
Cette recherche a permis l’analyse de 80 cas de morts violentes et intentionnelles selon la justice (soit 35 cas de syndrome du bébé secoué [SBS], 27 néonaticides, et 18 infanticides au-delà de la naissance). Les néonaticides représentent à eux seuls 34 % des cas, ce qui vient corroborer l’affirmation que le premier jour de la vie est celui où l’on a le plus de risque d’être tué. Toutefois, les mécanismes explicatifs de ces homicides et de ceux survenant ultérieurement (notamment les caractéristiques des auteurs) sont trop différents pour qu’un article aussi bref examine l’ensemble des infanticides : on se limitera donc à ceux survenant au-delà des 24 premières heures de la vie. Un cas de décès par SBS est présenté en encadré, car il illustre bien les diverses facettes de la problématique des infanticides.