En France, 187 000 enfants ou adolescents sont placés hors du domicile parental au titre de l’enfance en danger. Entièrement pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) jusqu’à leur majorité – avec une prolongation possible des aides jusqu’à 21 ans –, ces jeunes se retrouvent néanmoins du jour au lendemain contraints de voler de leurs propres ailes. Comment leur transition vers l’autonomie se passe-t-elle ? Et quel impact leur placement a-t-il sur la manière dont ils envisagent leur avenir ? Pour y répondre, un collectif de chercheurs a suivi durant trois ans 1 622 jeunes de l’ASE de 17 à 20 ans. Leurs résultats mettent en lumière deux profils opposés. D’un côté, les jeunes qui ont vécu leur placement comme une chance – parce qu’ils sont migrants, ou ont été placés très jeunes – et adhèrent aux attentes de l’institution. Ceux-là anticipent fortement leur sortie du dispositif et acceptent d’opter pour des filières courtes et professionnalisantes, conseillées par les éducateurs pour favoriser leur autonomie financière. De l’autre, les jeunes qui entretiennent un rapport plus conflictuel au placement, dont ils ne comprennent pas les raisons ou qu’ils vivent comme une mesure punitive. Pour eux, la sortie du dispositif symbolise d’abord la fin d’un contrôle institutionnel qu’ils ne supportent plus. Contestant la norme d’insertion professionnelle précoce valorisée par l’ASE, ils revendiquent leur droit à poursuivre leurs ambitions d’études en dépit des risques de précarité. Malgré leurs divergences, ces deux profils gardent en commun une valorisation à outrance de l’autonomie et une répugnance à l’idée de dépendre à l’âge adulte des institutions.