Inscrite au programme présidentiel de François Hollande, la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires a été relancée en janvier 2014, à la suite d’un vote positif de la Chambre des députés. Cette Charte, proposée à la signature depuis 1992, a été en effet ratifiée par plus de la moitié des pays de l’Union européenne (UE) et des candidats à l’entrée, pour lesquels elle constitue une condition préalable. La France, elle, ne l’a jamais fait, en dépit de la présence sur son territoire de 26 langues minoritaires recensées dans l’Atlas des langues menacées de l’Unesco. De l’alsacien au franco-provençal en passant par le corse, le basque et le gallo, leur poids en locuteurs est très variable, souvent difficile à connaître. La ratification a été sans cesse repoussée suite à un avis contraire du Conseil constitutionnel. La relance parlementaire de janvier entrouvre la porte à une révision de la Constitution, qui est encore, en avril 2014, débattue au Sénat. Rien n’est donc joué. Quel est l’enjeu de cette ratification tant attendue ? Nous avons posé la question à Louis-Jean Calvet, spécialiste des politiques linguistiques.
La Charte européenne protège et promeut les « langues régionales et minoritaires ayant un territoire ». Qu’est-ce que cela désigne ?
Comme son nom l’indique, les langues régionales, mais elle exclut explicitement les langues des migrants. Or ces langues, comme l’arabe ou le berbère par exemple, mais aussi le chinois et certaines langues africaines, sont plus parlées en France que les langues régionales. Pourquoi ce choix ? En fait, la Charte n’émane pas de l’UE, mais du Conseil de l’Europe, organisme qui rassemble beaucoup plus de pays, et elle semble avoir été pensée pour des pays de l’Europe de l’Est dans lesquels des minorités linguistiques endogènes peuvent être négligées, voire opprimées, mais où les langues de migrants sont moins présentes que chez nous. Je veux dire qu’elle n’est pas réellement adaptée à la situation française.