Qui se cache derrière les marchés financiers ?

André Orléan, Odile Jacob, 1999, 276 p., 145 F.
Le fonctionnement des marchés financiers a suscité une abondante littérature. Pourtant, les désaccords restent encore nombreux entre théoriciens et praticiens. Deux ouvrages se proposent de percer cette énigme.

Il était une fois un enfant né en 1930 qui dut vivre caché plusieurs mois durant pour échapper aux nazis, avant de devoir fuir son pays, la Hongrie. Parvenu en Angleterre, il y poursuivit des études de philosophie avec l'espoir secret d'être un nouveau Kant. Au fil de ses lectures, il conçut une théorie originale, qu'il appela théorie de la réflexivité et dont il s'amusa par la suite à vérifier le bien-fondé en l'appliquant à la spéculation financière. Précisons que selon cette théorie, notre perception de la réalité est affectée d'un biais qui en retour peut affecter la réalité.

Le nom de ce personnage : George Soros, auteur de mémorables opérations de spéculation qui lui ont permis d'acquérir une fortune de plusieurs milliards de dollars.

Aussi loin que l'on remonte dans l'histoire de la finance internationale, de tels personnages se comptent sur les doigts d'une main, tant il est vrai que les intervenants du marché se montrent d'ordinaire plutôt conformistes. On peut encore citer l'Américain Warren Buffet, un entrepreneur né la même année que G. Soros et qui, comme lui, a acquis la réputation de gourou d'exception.

Aussi exceptionnelles soient-elles, ces réussites n'en mettent pas moins en évidence l'importance d'un facteur insuffisamment pris en compte par la plupart des théoriciens des marchés : le facteur humain.

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Deux auteurs se proposent de percer l'énigme des marchés financiers en se plaçant résolument du point de vue des acteurs : l'un, Gérard Sauvage, est un praticien (il dirige les services de gestion de capitaux dans d'importants établissements financiers) ; c'est à lui que l'on doit le récit passionnant des vies de G. Soros et W. Buffet esquissées en préambule ; l'autre, André Orléan, a été plusieurs années durant chercheur au sein du Centre de recherche d'épistémologie appliquée (Créa).

« Il est à peine exagéré de dire que nous en savons moins sur (le) comportement des intervenants du marché, que sur les moeurs d'une tribu en Afrique ou dans la forêt amazonienne. » C'est par ce constat que s'ouvre l'ouvrage de G. Sauvage.