Le rythme infernal des banquiers d'affaires

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Travailler jusqu’à 90 heures hebdomadaires, mettre une croix sur sa vie privée, consacrer tout son temps éveillé à son entreprise : c’est le lot commun de nombreux professionnels de la haute finance. Quelles motivations poussent les banquiers d’affaires à accepter une telle « configuration pathogène », source de problèmes de santé physique et mentale, alors qu’ils pourraient facilement, de par leur diplôme, se tourner vers des voies moins pénibles ? Pour éclairer ce paradoxe, François Schoenberger a mené des entretiens avec 79 de ces spécialistes en transactions d’entreprise. Lui-même diplômé d’une école de commerce, le sociologue a fait bénéficier son enquête d’une ethnographie réalisée en tant qu’analyste financier en Suisse. En premier élément d’explication, le salaire élevé, dont une grande partie (appelée bonus) est déterminée chaque année par la position dans un classement européen. Mais F. Schoenberger mobilise surtout une approche par les dispositions, d’inspiration bourdieusienne. Celle-ci lui permet de retracer la façon dont la socialisation familiale et scolaire de ces membres de l’élite financière leur permet de tolérer, voire d’embrasser pleinement cette « culture extrême du travail intensif ». En majorité issus de classes supérieures de culture managériale, formés par les classes préparatoires puis les grandes écoles de commerce, les banquiers d’affaires ont été socialisés « à désirer le prestige et à tolérer la souffrance ». Ils trouvent ainsi dans ce milieu financier un monde ajusté à leurs aptitudes et aspirations.  


À LIRE

• François Schœnberger, « Sacrifier sa vie pour le travail ? Les ressorts paradoxaux de l’engagement dans le métier de banquier d’affaires », Genèses, n° 126, 2022/1.