Pourquoi avez-vous consacré la plupart de votre œuvre au Moyen Âge ?
D’abord parce que si l’on veut bien connaître une période, il faut l’examiner à fond. Je me suis donc consacré à un seul secteur qui n’est même pas tout le Moyen Âge mais seulement le Moyen Âge central : une période comprise entre la fin du 10e et le début du 13e siècle, et dans une zone géographique qui correspond à la France actuelle. Alors pourquoi le Moyen Âge ? C’est un peu par hasard que je suis devenu historien. Je suis tombé en fin de mes études universitaires sur un professeur qui m’a enthousiasmé. Sous sa direction, j’ai entamé ma thèse de doctorat et je l’ai inscrite dans cette période.
Cinquante ans d’études déjà, sur une même époque, peut-on faire un bilan ?
J’ai passé l’agrégation en 1942. Lorsque je me suis lancé dans la recherche, j’étais fasciné par les Annales d’histoire économique et sociale, cette revue qui avait été fondée trente ans plus tôt par Lucien Febvre et Marc Bloch et qui était en train de révolutionner les objectifs et les procédures de la recherche historique. C’est sur cette lancée que j’ai poursuivi ma carrière. J’ai commencé par étudier les conditions matérielles de la vie sociale à cette époque. Comme pour beaucoup d’autres, la pensée marxienne a beaucoup compté pour le développement de mes premières recherches. À un certain moment, je me suis mis à lire les anthropologues et les linguistes. C’était à un moment où les historiens devaient relever le défi structuraliste, celui des anthropologues et des linguistes. Cela m’a amené à considérer que dans l’étude d’une société, il fallait prendre en compte les structures de parenté, les idéologies, les rapports entre le masculin et le féminin sur lequel je travaille actuellement.