Science, femmes, nature... que disent les monothéismes ?

En dépit de leurs croyances absolues, les monothéismes peuvent-ils dialoguer entre eux, s’accorder avec la science, l’émancipation des femmes ou l’écologie ? Les réponses de l’expert Odon Vallet.

1. Le dialogue interreligieux est-il un vœu pieux ?

La première tentative de dialogue interreligieux fut la réunion d’un Parlement des religions à Chicago en 1893, à l’occasion de l’Exposition universelle dans cette même ville. L’initiative en revient à un chrétien unitarien (n’adhérant pas au dogme de la Trinité), Jenkin Lloyd Jones. À cette occasion, le jaïnisme fut reconnu comme une grande religion de l’Inde. Les penseurs de ce pays jouèrent d’ailleurs un rôle essentiel, notamment Swami Vivekananda, un hindou franc-maçon soucieux de rapprochement entre les pensées « occidentale » et indienne alors que le romancier britannique Rudyard Kipling venait d’écrire : « L’Orient est l’Orient et l’Occident l’Occident et jamais les deux ne se rencontreront. » Ce Parlement s’inspirait aussi des principes de la Société théosophique, fondée à New York en 1875, selon laquelle toutes les religions et philosophies possèdent un aspect d’une vérité plus universelle. Que chaque religion ait sa part de vérité est aussi un élément majeur du bahaïsme proche-oriental ou du caodaïsme vietnamien.

Le Parlement des religions connut un sommeil d’un siècle et fut ressuscité en 1993 avant de connaître de nouvelles sessions tous les cinq ou six ans, la dernière ayant eu lieu en 2015 à Salt Lake City, la ville des mormons. Par ailleurs, Jean-Paul II réunit un colloque interreligieux à Assise en 1986. Il s’agissait pour le pape polonais d’affirmer, non pas que toutes les religions se valent, mais que toutes ont une valeur. Dans cet ordre d’idées, on peut citer le scoutisme, d’origine protestante mais qui possède des branches catholiques, juives, musulmanes et laïques. Son fondateur, Robert Baden Powell, était un ancien officier de l’armée des Indes, lecteur inspiré du Livre de la Jungle (1894) de R. Kipling et filleul de Robert Stephenson, le plus grand ingénieur ferroviaire de la planète. Et c’est d’abord le train (puis l’avion) qui rapprocha les religions et la jeunesse.

À l’intérieur du christianisme, un dialogue œcuménique entre catholiques et protestants fut instauré de 1921 à 1925 par le cardinal belge Mercier lors des Conversations de Malines. Il associait notamment un prêtre français, Fernand Portal, et un ministre anglais et anglican, Lord Halifax. Entrepris dans un désir de réconciliation après la Première Guerre mondiale, ce mouvement de rapprochement des confessions n’obtint guère de succès et fut condamné par le pape Pie XI. Il connut un renouveau après la Seconde Guerre mondiale avec le Groupe des Dombes. Formé de théologiens catholiques, protestants et orthodoxes, il se réunissait dans une abbaye bénédictine de l’Ain et rédigea des livrets sur les sujets de divisions entre chrétiens. Le centre de Taizé, en Saône-et-Loire, s’inspire depuis soixante-dix ans des mêmes principes. Mais malgré l’affluence des jeunes à ses pèlerinages, il n’a pu effacer les causes profondes des dissensions entre chrétiens.