Certains mangeurs ont fait de leur fourchette une arme. Ils ont l’ambition de dénoncer les liens unissant des industriels de l’agroalimentaire et des politiques, comme de réclamer une prise en compte de l’urgence climatique dans l’action publique. C’est ainsi que, depuis la fondation du mouvement Slow Food en 1986 à Turin (Italie), des combats multiformes se sont engagés pour une alimentation « bonne, propre et juste ». Dès le 18e siècle avec Giorgio Gallesio, agriculteur et magistrat, les Italiens avaient compris qu’il fallait mener cette bataille en s’appuyant sur de solides documentations sur les semences, les pratiques agricoles, les cuisines et les recettes. Le Piémontais Carlo Petrini, fondateur de Slow Food, se réfère souvent à l’un des théoriciens de la gastronomie française, le magistrat Anthelme Brillat-Savarin, auteur de Physiologie du goût (1825). Parce que sa gastronomie englobe ce qui relève de la physique et de la chimie, de la cuisine et du commerce mais aussi de l’économie politique. Une telle vision permet de ne jamais couper l’alimentation de l’agriculture.
Les laboratoires du goût
La nouvelle gastronomie, telle qu’elle est pensée par Slow Food aujourd’hui, prend aussi en compte la génétique des plantes et des animaux, et lie les méthodes de production à la responsabilité sociale et environnementale. Expérimentée dans des « laboratoires du goût » nés dans la très cosmopolite New York à l’occasion de salons des vins en 1991, elle prospère lors des rassemblements bisannuels de Terra Madre à Turin, aux côtés de 5 000 paysans invités du monde entier, avec plus de 100 ateliers du goût formant des ambassadeurs du goût.