« Les domestiques existent toujours », annonce d’emblée Alizée Delpierre, postdoctorante au Centre de sociologie des organisations (Sciences Po/CNRS). Ce sont en majorité des femmes, quelques milliers en France à travailler à plein temps au service des grandes fortunes issues de l’aristocratie et de foyers nouvellement enrichis par le commerce ou la finance. Pour observer la relation particulière entretenue entre employeurs et employées dans ces foyers nantis, la sociologue n’a pas hésité à prendre un emploi de domestique à temps partiel auprès de deux familles. Une enquête participante donc, qu’elle a couplée avec d’autres observations et de longs entretiens. Elle montre la façon dont la relation de travail est enveloppée dans un discours particulier et infléchie par les échanges que nouent quotidiennement maîtres et employées. Ces domestiques de riches, issues de milieux populaires et souvent de l’immigration, bénéficient de salaires importants et parfois de nombreux avantages et cadeaux : sacs de marque, frais médicaux remboursés, véhicules.
En découle un semblant de proximité, les domestiques faisant presque partie de la famille, dans le cadre d’une relation de type paternaliste. La sociologue montre aussi que ce paternalisme implique en retour une « exploitation dorée », qui permet aux patrons de le rester jusque chez eux et de requérir des services permanents. Cette logique de dons et de contre-dons atténue l’asymétrie des conditions et la réalité de ces emplois domestiques, qui permettent aux maîtres de jouir pleinement de leur rang social. Ce livre, écrit à la première personne et au ton littéraire, est une lecture fluide, mais n’hésite pas à recourir à des notions savantes telles que « l’illusio » ou « la présentation de soi » en les explicitant. Ce qui est aussi une agréable façon de faire connaissance avec les outils de la sociologie.