«Le bonheur est un ange aux ailes fragiles, un colosse aux pieds d’argile. Il a besoin d’air, de lumière, de liberté et d’une terre d’asile… » Dans son poème « Le bonheur », Jacques Prévert illustre quelques-unes des innombrables facettes de ce Graal tant convoité par les humains : sa fragilité, comme sa force, sa volatilité, son besoin d’incarnation, d’expression… On retrouve des méditations sur le bonheur dès l’aube de la philosophie. Ce thème imprime aussi en profondeur la pensée religieuse. Mais ce n’est que récemment, à partir des années 1960, que des scientifiques commencent à l’étudier. Dans un contexte de forte croissance économique après-guerre, l’apparition de nouveaux biens de consommation (mode, voyages, éléments de confort, loisirs…) de plus en plus accessibles font du bonheur un argument publicitaire incontournable. La quête du bonheur, souvent assimilé à la satisfaction matérielle, relègue au second plan les devoirs civiques et religieux jusque-là prédominants. Une véritable industrie du bonheur se développe avec la naissance du développement personnel qui prétend libérer nos vertus endormies. Les psychologues, quant à eux, s’attachent à sonder les secrets de cette potion magique en interrogeant ses substrats. Qu’est-ce qui fait la spécificité des gens heureux ? Comment définir le bonheur ?
Critères objectifs versus subjectifs
Il existe deux façons de mesurer le bonheur : à partir de critères objectifs et mesurables (je suis en bonne santé, j’ai un travail qui correspond à mes aspirations…) ou bien d’évaluations subjectives (je me sens épanoui, je sens que je progresse dans la vie…). Les premiers relèvent de l’économie, plus particulièrement « l’économie du bonheur » qui s’est instaurée depuis une vingtaine d’années comme une véritable discipline académique. Elle définit trois axes principaux : le niveau de vie (richesse), l’espérance de vie (santé) et le niveau d’éducation (taux d’alphabétisation et de scolarisation). Ces trois mesures constituent l’indice de développement humain (IDH), créé par l’ONU en 1990, qui vient en complément du produit intérieur brut (PIB) comme indicateur du niveau de développement d’un pays.