La psychologie scientifique française
est née grâce au philosophe Théodule Ribot. La préface de son premier ouvrage, La Psychologie anglaise contemporaine (1870), est un véritable manifeste pour une nouvelle psychologie dégagée des conceptions métaphysiques, inspirée par les idées des psychologues scientifiques anglais et allemands – des « sciences modernes » . Il s’agit pour Ribot de s’opposer à la fois à la philosophie spiritualiste basée sur l’introspection, et au positivisme d’Auguste Comte, qui nie la possibilité d’une science psychologique autonome. En 1873, sa thèse sur L’Hérédité des caractères psychologiques , soutenue en Sorbonne, introduit la discipline à l’université. Pour diffuser les articles de la « nouvelle psychologie », il crée trois ans plus tard la Revue philosophique de la France et de l’étranger . Ses monographies Les Maladies de la mémoire (1881), Les Maladies de la volonté (1883), Les Maladies de la personnalité (1885) sont maintes fois rééditées. En 1888, il obtient la création d’une chaire de psychologie expérimentale et comparée au Collège de France, qu’il occupe jusqu’en 1901. Fort de cette assise institutionnelle, il aide le physiologiste Henry Beaunis à monter le premier laboratoire français de psychologie expérimentale. Critiquant la méthode introspective en vogue à l’époque – le psychologue s’observe et s’interroge lui-même –, il développe la méthode pathologique, basée sur l’étude des troubles (notamment démentiels – la fameuse « dissolution mentale »), qui permet de reconstituer l’organisation de l’esprit. Il établit la loi (toujours de référence) selon laquelle dans l’amnésie, la régression s’opère toujours « du plus nouveau au plus ancien, du plus complexe au plus simple, du volontaire à l’automatique, du moins organisé au mieux organisé » . « La mémoire est, par essence, un fait biologique ; par accident, un fait psychologique » , affirme-t-il. Pour autant, elle n’est « pas une collection d’empreintes, mais un ensemble d’associations dynamiques très stables et très promptes à s’éveiller. (…) On a comparé la mémoire à un magasin où toutes nos connaissances seraient conservées dans des casiers. (…) Il faudrait la présenter sous une forme plus active : comparer par exemple chaque mémoire particulière à une escouade d’employés chargés d’un service spécial. » Parmi ces « services », il différencie la mémoire des savoir-faire (les habitudes, les procédures) et la mémoire des savoirs (les connaissances sur le monde). Il pressent aussi la distinction entre mémoire épisodique (instable) et sémantique (stabilisée), et l’importance de la logique affective contre la logique rationnelle. Deux idées très actuelles des sciences cognitives, développées respectivement par Endel Tulving et Antonio Damasio.