Ce fut un véritable big-bang culturel. Sans aucun doute l’un des grands moments de l’histoire de l’humanité. Et pourtant, il reste encore ignoré parce qu’il fut découvert tardivement (au 19e siècle), qu’il n’a pas laissé de grands vestiges (comme les pyramides d’Égypte, l’Acropole d’Athènes ou le Colisée de Rome…) et que l’histoire avait déjà été écrite par ses successeurs (les Grecs et les Romains).
Pourtant, il y a bien eu un « miracle mésopotamien ». En l’espace de quelques siècles, en une même région, apparaissent des innovations qui vont changer à jamais le cours de l’histoire. La liste est impressionnante : l’écriture, les mathématiques, l’astronomie, l’école, la roue, l’araire, l’architecture, la ville, l’État, etc. Tout apparaît au même endroit, presque en même temps. L’histoire du monde bascule alors dans une nouvelle ère.
Que s’est-il passé ?
Remontons le temps. Nous sommes au 4e millénaire avant notre ère, dans la plaine fertile de la Mésopotamie (actuel Irak) où les deux grands fleuves jumeaux, le Tigre et l’Euphrate, débouchent dans le golfe Persique. La région est parsemée de villages entourés de terres agricoles. Arrosée par les deux grands fleuves, la région est propice à l’agriculture (moyennant des systèmes d’irrigation), aux transports et aux échanges. Les populations y convergent : c’est une région de métissage, de croisement de populations. Le paysage se peuple de villages d’agriculteurs. Puis, tout à coup, émerge quelque chose qu’on n’avait jamais vu jusque-là : la civilisation.
Les premières villes sortent de terre. La vie s’organise autour de grands centres urbains, avec des avenues, des places de marché, des temples et des palais. Autour des fortifications de la ville s’étendent les champs de blé, les palmeraies et les vergers : ils sont irrigués par tout un système de canaux. L’ensemble de la Mésopotamie est uni culturellement mais pas politiquement : la région est organisée autour de différentes villes. Une trentaine de cités-États se partagent le territoire de la Mésopotamie, dont les plus grandes ont pour nom Ur, Uruk, Kish, Lagash, Nippur. À leur tête, un roi, considéré comme un représentant d’un dieu local. Il dirige une véritable administration de fonctionnaires qui collectent les impôts, tiennent les comptes, dirigent les travaux d’irrigation, entretiennent les bâtiments, rendent la justice et organisent les cérémonies publiques. L’État est né. Son administration a besoin d’instruments de gestion : voilà les raisons premières de l’apparition de l’écriture et de la comptabilité. La division des terres donne naissance à la géométrie ; la tenue des comptes nécessite le développement du calcul. Sur les tablettes cunéiformes retrouvées par les archéologues, sont gravés des problèmes de mathématiques portant sur des questions de comptabilité : calculer des prix, déterminer le volume d’un silo à grains, d’une tranchée, prévoir le nombre de briques nécessaires à la fabrication d’un mur (encadré ci-dessous).