Un sociologue au camping

Caravane, chalet ou mobil-home : pour beaucoup de Français, ces termes évoquent les vacances au camping, en famille ou avec les amis. Mais d’autres y vivent à l’année, faute de mieux. Afin de comprendre qui ils sont, le sociologue Gaspard Lion est allé vivre parmi eux.

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C’est une caravane abandonnée, dans un camping d’Île-de-France. Gaspard Lion l’a lavée tant bien que mal, y a posé un matelas trouvé dans la rue et a rangé sur les étagères sa vaisselle en plastique. En 2012, il rejoint ainsi cette fraction grandissante de Français qui résident de façon permanente en camping. Difficile de savoir combien ils sont. Cette forme d’habitat, qui ne respecte pas les normes minimales de confort en vigueur, est interdite par la loi et donc peu visible. Mais des dizaines de milliers de Français seraient concernés. Cela place notre pays dans le peloton de tête de cette pratique, après les Etats-Unis et leurs vastes parcs de mobile homes. C’est justement pour en savoir plus que le jeune homme s’y installe, alternant les séjours en caravane et le retour dans son appartement parisien. Car G. Lion est sociologue. Solidement formé grâce à deux licences (l’une en géographie, l’autre en science politique), il s’intéresse au mal-logement depuis son master de sociologie.

Pour étudier son objet, il n’existe à ses yeux qu’un moyen : résider sur place. « C’est toujours profitable, mais dans ce genre de terrain, c’est une nécessité », estime-t-il. Une conviction qu’il s’est forgée lors de sa précédente recherche au cœur du bois de Vincennes (en bordure de la capitale) 1.

Les huttes du bois de Vincennes

C’est là que tout a basculé : après plus d’un an à côtoyer jour après jour les résidents permanents du bois, souvent des hommes mûrs vivant isolés, le chercheur était tombé sur un campement de jeunes qui y vivaient une existence à mi-chemin entre précarité et vie alternative. Habitués à ses allers et venues, ces derniers l’avaient invité sans façon : « Pose ton sac, installe-toi, si tu veux comprendre comment on vit. » G. Lion se souvient : « Je n’avais pas prévu du tout. J’ai pris une tente de voyage et je suis venu. Je suis resté un mois d’affilée. Et, ajoute le chercheur, ça m’a permis de mieux comprendre. » Grâce au temps passé, nuit et jour, avec le groupe, il découvrait l’intensité des relations humaines qui se nouent, notamment autour de la circulation de la nourriture, qu’il n’avait pas assez prise en compte jusque-là.