La notion d’autisme a été élaborée au début du 20e siècle dans le milieu naissant de la psychanalyse et de la pédopsychiatrie. De premières explications l’attribuent aux blocages auxquels se heurterait un bébé. Pour Sigmund Freud – qui inspire certaines de ces théories –, un nourrisson élabore très tôt un ensemble de représentations psychiques de son environnement, de lui-même ou encore d’autrui. Il passe ainsi par plusieurs phases de développement, dont le stade « autoérotique » : c’est le moment où, faute de trouver son plaisir dans le monde extérieur, il se replie sur lui-même et le recherche dans son propre corps. Un stade qu’il ne parviendrait plus à quitter si un problème grave survenait à ce moment-là. Par la suite, il éprouverait des difficultés à interagir avec le monde environnant, à communiquer avec autrui, à intégrer et partager de nouvelles expériences, etc. Cette explication de l’autisme se retrouve sous diverses formulations chez des psychanalystes comme Melanie Klein, Jacques Lacan ou encore Françoise Dolto. Aujourd’hui encore, Marie-Christine Laznik évoque dans un même esprit un « ratage du troisième temps du circuit pulsionnel 1 ».
Le schéma psychanalytique n’explique cependant pas quelle serait l’origine d’un tel blocage – les comportements de la mère ou des parents ont parfois été incriminés, mais cette accusation semble aujourd’hui dépassée (encadré). Dans les années 1980, la psychologie cognitive a proposé une autre hypothèse, celle d’un « manque de théorie de l’esprit ». D’après ce modèle 2, les personnes ayant un trouble du spectre autistique (TSA) éprouvent une difficulté ou une incapacité à se mettre à la place des autres et à se représenter leur point de vue. Cette carence fondamentale expliquerait qu’elles aient du mal à comprendre les paroles et les actions d’autrui, à anticiper leurs comportements et à réagir de façon adaptée. Elles auraient du même coup tendance à privilégier des environnements particulièrement structurés, routiniers et de ce fait prévisibles. Cette hypothèse simple d’un « manque de théorie de l’esprit » permet ainsi d’expliquer en cascade un grand nombre de comportements autistiques. Mais là encore, la question de l’origine demeure : si on admet une carence, quelle en serait la cause ?
Faute d’explication psychologique entièrement satisfaisante, les recherches s’intéressent davantage, depuis la fin du 20e siècle, à des facteurs physiologiques. En neurologie et en psychopathologie notamment, des études cliniques indiquent qu’un TSA pourrait résulter d’une structure différente du cerveau et notamment du cervelet 3. Situé juste au-dessus de la nuque, ce dernier est impliqué dans le contrôle moteur et dans des fonctions cognitives telles que la régulation des émotions, de l’attention ou l’apprentissage du langage.
Neurodéveloppement
Outre que ces fonctions et dispositions sont généralement perturbées chez les personnes ayant un TSA, des études en imagerie cérébrale révèlent des anomalies : l’activation des neurones dans certaines zones du cervelet paraît plus importante ou au contraire moins importante que la moyenne, en fonction des tâches à réaliser. Par ailleurs, selon les âges, certaines zones du cervelet semblent hypertrophiées ou présentent à l’inverse une réduction inhabituelle de matière grise – un tissu composant une grande partie du cerveau.