Une jeunesse antisystème ?

Une enquête met au jour le potentiel protestataire des lycéens français. Beaucoup se disent prêts à manifester ou à bloquer les lycées ; mais seule une minorité, en rupture, plaide pour le recours à la violence.

La radicalité politique rassemble un ensemble protéiforme d’opinions, d’expressions et d’actions. Néanmoins ce qui la caractérise, c’est une opposition au jeu ordinaire de la politique et de ses institutions, ainsi qu’une stratégie frontale de contestation du système, selon une graduation allant de l’expression d’une protestation dans le cadre de la légitimité démocratique jusqu’à des actions ou des opinions marquant une rupture avec le système politique et sortant du cadre démocratique.

Dans le cadre d’une étude cherchant à mesurer le degré de pénétration des idées et des opinions politiques radicales dans la population lycéenne (encadré ci-dessous), j’ai pu cerner le périmètre de diffusion de deux types de radicalité, une radicalité de protestation et une radicalité de rupture. La première concerne une frange assez large de la jeunesse. Elle relève d’une nouvelle norme de politisation, dans le cadre d’exercice d’une citoyenneté plus défiante et critique, et peut s’exprimer soit à l’occasion des élections (vote pour des partis extrémistes, abstention de contestation) soit au travers de mobilisations collectives ou de manifestations dans l’espace public. La seconde ne s’applique qu’à une minorité de jeunes, néanmoins significative. Elle suppose des attitudes et des comportements subversifs et relève d’une contestation frontale du système. Elle dépasse la protestation. Elle relève de la subversion et du renversement de l’ordre établi. Mais surtout elle n’exclut pas le passage à l’acte violent. Elle engage des atteintes physiques délibérées aux biens ou aux personnes, pouvant revêtir un aspect éruptif et émotionnel dans le cadre d’actions spontanées infrapolitiques ou protopolitiques (émeutes) ou s’inscrire dans une stratégie politique de changement radical de la société et de rupture avec ses institutions (révolution, terrorisme).

Une radicalité de protestation

La protestation, dans la rue comme dans les urnes, a acquis en légitimité. Les Français eux-mêmes dans leur majorité s’y rallient : 52 % d’entre eux reconnaissent être prêts à participer à une manifestation de rue pour défendre leurs idées 1. Certes le droit de manifester est un droit consubstantiel de la démocratie, et nombre de manifestations autorisées se déploient de façon pacifiée. Néanmoins, au travers de la forme d’expression directe qu’il suppose, sans la médiation de la représentation politique, le potentiel protestataire qui s’exprime ainsi indique une contestation du système politique ou des partis de gouvernement. La part prise par les votes protestataires marque aussi la défiance de nombre de citoyens envers la représentation politique. Ce potentiel protestataire entretient un climat de radicalité politique au sein duquel se développent nombre de signaux marquant une défiance institutionnelle bien installée dans les relations qu’entretiennent les citoyens, jeunes et moins jeunes, avec le personnel et les institutions politiques. Et cela peut favoriser certaines formes de radicalité politique, car exprimant une remise en cause des cadres de la politique institutionnelle. Mais la ligne rouge qui démarque la radicalité de protestation de la radicalité de rupture est le refus du passage à l’action violente.