L’apparition du mot « mondialisation » dans le langage quotidien remonte à la décennie 1990. Il désigne alors les transformations qui affectent les sociétés suite à la révolution numérique et à la sérieuse baisse des coûts des transports terrestres, aériens et maritimes. L’usage d’Internet autorisant la circulation de l’information en temps réel (indépendamment de toute localisation) a entraîné l’intensification des relations à l’échelle mondiale et a accéléré la circulation des biens, des capitaux et des personnes. Des accords pour faciliter les échanges commerciaux se sont multipliés au sein de l’Organisation mondiale du commerce, créée en 1995, intégrant la Chine en 2001 et qui fonde la base du système commercial multilatéral. Les grandes entreprises ont revu leur structure pour dissocier les lieux de production des lieux de décision et de commercialisation, bénéficiant du faible coût du travail et de l’absence de réglementations environnementales dans les pays émergents pour y délocaliser leur production. Les États ont pris des mesures de déréglementation pour faciliter la circulation de l’information, des connaissances et des biens tout en menant des politiques d’attractivité. Enfin le tourisme de masse s’est affirmé, avec en 2019 plus d’un milliard et demi de touristes selon l’Organisation mondiale du tourisme.
Si la mondialisation a alors été perçue comme une nouveauté, ce point de vue a aussitôt été relativisé, par exemple par les historiens Patrick Boucheron et Serge Gruzinski (après Fernand Braudel), qui ont rappelé l’épisode de la mondialisation prémoderne et la découverte du Nouveau Monde ; par les économistes qui après Suzanne Berger ont évoqué la première mondialisation moderne au tournant du 20e siècle ; ainsi que par les géographes, comme Christian Grataloup 1.
Surtout, comme l’illustre le Dictionnaire critique de la mondialisation, les sciences sociales insistent sur la multidimensionnalité du processus. Elles différencient ainsi le sens accordé à trois termes : « mondialisation », « globalisation » et « planétarisation ».
Des appellations différentes pour des enjeux multiples
La mondialisation fait référence, on l’a dit plus haut, à l’intensification des circulations des personnes, des biens matériels et surtout des biens immatériels au-delà des frontières nationales. Elle peut être vécue comme l’« avènement du monde » dans le quotidien des individus, pour reprendre l’expression de Michel Lussault. Elle comporte ainsi une dimension culturelle et sociale.
Le mot « globalisation », utilisé avant tout par les anglophones, insiste plutôt sur les transformations du capitalisme. La large diffusion du terme revient à l’économiste Theodore Levitt, qui dans un article publié dans Harvard Business Review en 1983, annonçait l’avènement de la firme globale structurée sur le mode de la multilocalisation. Le terme insiste sur la diffusion du capitalisme à l’échelle mondiale (chute du mur de Berlin en 1989 et fin de la guerre froide) ainsi que sa métamorphose en raison de son émancipation du cadre nation. Les économistes qualifient ce cycle de mondialisation postfordiste (le fordisme faisant référence au capitalisme encadré par les États). Il désigne l’avènement d’un capitalisme financier reposant sur la libre circulation des capitaux, la priorité accordée aux actionnaires (au détriment des travailleurs) et le principe de l’optimisation fiscale des entreprises pour ne pas payer d’impôts en localisant leurs sièges dans des « paradis fiscaux ». Différencier, comme le font les francophones, mondialisation et globalisation conduit à élargir le phénomène en dépassant les aspects économiques et immatériels pour englober la dimension géographique, et ainsi appréhender inégalités sociales (aux différentes échelles territoriales) et destruction des écosystèmes naturels 2.