« Vos restaurants préférés, livrés chez vous en un clic » ; « Votre coiffeur chez vous en deux clics » ; « Avec Uber, rejoignez votre destination en un clic » : les annonces promettant à des consommateurs de bénéficier d’un service à la demande fleurissent sur Internet depuis quelques années. Dans de nombreux secteurs, des entreprises comme Uber (transport), Deliveroo (livraison de repas) ou encore MyMentor (soutien scolaire) se proposent de « mettre en relation » par le biais d’une interface numérique des clients et des prestataires indépendants. Pour qualifier les activités de ces sociétés, le terme « ubérisation » est fréquemment employé. Dérivé des pratiques de l’entreprise de transports Uber, il est entré en 2017 dans le dictionnaire Le Robert pour désigner le fait de « déstabiliser et transformer (une entreprise, un secteur d’activité) avec un modèle économique innovant tirant parti des nouvelles technologies ».
Cette définition suggère que le modèle de ces entreprises introduirait une rupture importante d’ordre technologique. Pourtant, c’est davantage le statut d’emploi et les conditions de travail des travailleurs de ces plateformes qui ont attiré l’attention. Ces dernières ont en effet massivement recours à des travailleurs juridiquement indépendants mais dont les comportements sont encadrés – plus ou moins selon les plateformes – par des outils numériques. Souvent mal rémunérés, ces travailleurs ne bénéficient pas de certains droits associés au salariat, comme l’accès au chômage ou aux congés payés, et sont moins bien protégés en cas d’accident du travail.
En quoi le modèle introduit par ces entreprises est-il nouveau ? Le salariat est-il en danger ? Quel avenir pour les plateformes numériques et leurs travailleurs ?
Un retour au 19e siècle ?
Si les plateformes numériques ont recours à des technologies récentes, l’organisation du travail sur laquelle elles s’appuient s’inscrit dans le prolongement d’un mouvement de déstabilisation du salariat stable engagé depuis les années 1970 dans les pays occidentaux.