Quel est l’apport de Walter Benjamin aux études urbaines contemporaines ?
L’apport principal de W. Benjamin est sans doute d’avoir conçu la ville comme l’espace d’intelligibilité de la modernité. Le Livre des passages représente une tentative sans précédent pour déchiffrer dans l’architecture parisienne du xixe siècle la préhistoire de la modernité, tandis qu’Enfance berlinoise et Sens unique, qui enregistrent l’émergence et le triomphe du modèle métropolitain, permettent de comprendre les formes qu’emprunte la culture de masse. Dans tous les cas, W. Benjamin développe une conception sémiotique de la ville. Celle-ci se donne à lire, un peu comme un livre. On trouve un héritage direct de cette approche dans l’ouvrage de Karlheinz Stierle, La Capitale des signes (1), qui place la question de la lisibilité au cœur de l’expérience moderne de Paris.
En revanche, les lectures issues du postmodernisme et des visuals studies envisagent davantage l’œuvre de W. Benjamin comme une « boîte à outils ». La figure du flâneur a ainsi été mobilisée pour rendre compte de la déambulation dans les shopping malls (centres commerciaux) ou de la disparition de l’espace public dans les mégapoles. Ces usages sont stimulants mais ne respectent pas toujours la démarche de W. Benjamin. La fascination qu’exercent aujourd’hui les mutations urbaines, prises dans le mouvement de la mondialisation, conduit souvent à penser que la ville se fait sans nous, malgré nous. Cela participe à mon avis d’une forme de dépolitisation du rapport à la ville. Il importe aussi de porter attention aux pratiques citadines, à la manière dont elles appréhendent l’espace urbain, le qualifient ou le réinventent.