CSF, « contexte de la sexualité en France » : c’est sous cette appellation bien sage et, disons-le, assez peu excitante qu’est sortie la dernière grande enquête sur la sexualité, en 2008.
Synthétisée dans un volume de quelque 600 pages, on y trouve pourtant une radiographie complète de toutes les pratiques sexuelles de nos contemporains : homo ou bisexualité, rapports avec ou sans pénétration, fellation, cunnilingus, pénétration anale, pratiques échangistes et même abstinence ou « inactivité sexuelle »… Le tout croisé avec âge, genre, catégorie sociale : bref, une panoplie exhaustive des activités concernant le sexe. De quoi passionner un martien curieux de comprendre le fonctionnement de ces mystérieux terriens ; de quoi aussi faire mourir d’apoplexie nos prudes aïeux ! Aujourd’hui, ces enquêtes pratiquées dans la plupart des pays avancés sont presque devenues une banalité. La raison en est bien entendue liée à ce que l’on a appelé la libération des mœurs, à l’œuvre depuis le milieu du XXe siècle, aux progrès de l’individualisme aussi qui font que chacun est censé être libre de construire ses propres expériences et donc ses trajectoires sexuelles ; mais aussi parce que, même si dans les sociétés actuelles, le sexe continue d’être un objet de débats nourris, nombre de tabous sont tombés en même temps que la parole s’est libérée.
Comme le disent Nathalie Bajos et Michel Bozon, maîtres d’œuvre de ce gigantesque travail, « une enquête sur la sexualité s’inscrit toujours dans une conjoncture historique et culturelle qui (en) délimite le sens (1)… »
C’est en effet dans une tout autre conjoncture, guère plus de cinquante ans en arrière, que, dans des États-Unis des plus puritains, fut élaborée la première grande enquête sur la sexualité. Publié en 1948 (à propos de la sexualité masculine) et 1953 (pour les femmes), le rapport Kinsey provoqua des années durant un véritable scandale. Ce qui n’empêcha d’ailleurs pas cette volumineuse publication d’être vendue à 750 000 exemplaires et traduite en treize langues.