Actionnariat dispersé ou actionnariat concentré ? Entretien avec Peter Gourevitch

Le politologue américain Peter Gourevitch présente les avantages et les inconvénients des actionnariats dispersé et concentré.

Sciences Humaines : Les économistes distinguent souvent deux modèles de gouvernance : le modèle « outsider » présent dans les pays anglo-saxons et le modèle «insider » que l'on trouve en France, en Allemagne ou encore au Japon. Quelles sont les grandes différences entre ces deux modèles ? Quels sont leurs avantages et leurs inconvénients respectifs ? 

Peter Gourevitch : Aux Etats-Unis, les firmes à capital dispersé, c'est-à-dire sans actionnaire possédant 10 ou 20 % de droit de vote au conseil d'administration sont légion. En France et en Allemagne par contre, il y a de gros actionnaires. L'avantage de cette concentration est que les détenteurs de parts importantes vont être nécessairement intéressés par ce qui se passe dans la firme. Dans le système outsider, les actionnaires sont minoritaires parce que cela leur permet de réduire les risques financiers. Selon l'adage populaire, l'épargnant ne met pas tous ses oeufs dans le même panier. Et aux Etats-Unis, c'est assez facile d'acheter des parts d'entreprises très différentes car le nombre de sociétés cotées est important. Mais la médaille a un revers : quand l'actionnariat est dispersé, il exerce un faible pouvoir sur les manageurs de l'entreprise et cela peut conduire à des dérives... Les manageurs ont pu faire nommer des directeurs qui dépendent d'eux, qui sont des amis travaillant dans l'entreprise par exemple... Maintenant, les directeurs des firmes doivent être indépendants des manageurs. Problème : qu'est-ce que cela signifie ? Ils ne doivent pas être le beau-frère ou le gendre du manageur mais comment savoir s'il y a trente ans ils n'ont pas fréquenté la même école ?