Alexandra David-Neel a été, tout au long de sa vie, une femme affranchie des convenances, indépendante, mue par son attrait pour la philosophie bouddhiste et pour les territoires inexplorés du Tibet et de l’Himalaya.
Vers 1920, Alexandra au Tibet avec Aphur Yongden, un jeune moine qui deviendra son fils adoptif.
Son enfance la montre déjà plutôt rebelle. Serait-ce parce que son père, libre penseur, l’emmène, alors qu’elle a à peine 3 ans, assister à l’exécution des communards devant le mur des Fédérés du Père-Lachaise, afin qu’elle se souvienne de cette violence ? Parce que, durant son enfance et son adolescence, elle côtoie Élisée Reclus, ce géographe anarchiste belge ami de ses parents, qui l’initie aux idées féministes de l’époque ? Toujours est-il qu’Alexandra a très tôt des envies de partir explorer le monde. À 15 ans, elle fugue pour aller vivre à Londres (où elle ne pourra rester faute d’argent) ; en Suisse où sa mère la retrouve ; puis, devenue majeure, en Inde (avec l’argent d’un petit héritage) où elle se convertit au bouddhisme.
Journaliste quelque temps dans le journal féministe La Fronde, puis première chanteuse lyrique dans une troupe qui la mènera à Athènes, Tunis, Hanoï…, sa véritable passion est orientaliste. Elle se perfectionne en anglais, s’initie au sanscrit, au tibétain, suit divers enseignements à la Sorbonne et au Collège de France et fréquente le musée Guimet.
À 36 ans, elle épouse son amant, Philippe Néel, alors ingénieur des chemins de fer tunisiens. Leur union est empreinte de respect mutuel, et Philippe Néel deviendra son correspondant et son soutien financier tout au long de ses périples. Car le confort du mariage bourgeois ne convient pas à la dame. En 1911, elle repart en Inde en promettant à son époux de rentrer dans dix-huit mois… Elle reviendra quatorze ans plus tard !
Baptisée par ses maîtres « lampe de sagesse »
Elle arrive au Sikkim (province du Nord de l’Inde bordant le Tibet) en 1912 pour parfaire sa connaissance du bouddhisme. Elle travaille son tibétain, étudie les textes anciens, reçoit l’enseignement des plus grands gomchens (supérieurs des monastères), expérimente les méthodes des yogis tibétains. Elle devient alors une lamina (dame-lama), baptisée par ses maîtres Yshé Tömé (« lampe de sagesse »), désormais habillée du costume des lamas tibétains et reconnue par les autorités bouddhistes. En 1914, elle rencontre Aphur Yongden, âgé de 15 ans, qui devient son interprète et son inséparable compagnon de route. Elle en fera son fils adoptif (ce qui déplaît fort à Philippe Néel lorsqu’elle rentre en France en 1925). Ensemble, alors que la guerre bat son plein en Europe, ils voyageront en Inde, au Japon, en Corée, traverseront la Chine d’est en ouest puis séjourneront pendant trois ans au monastère de Kumbum, au Tibet, où Alexandra, aidée de Yongden, traduit la Prajnaparamita (ensemble de textes de la tradition bouddhiste).