Biens collectifs mondiaux : l'accord impossible

Obtenir un accord mondial sur des biens collectifs exige de définir
un objectif commun. Malgré les efforts des instances internationales 
et de la société civile, les États privilégient leurs propres intérêts.


Les négociations internationales relèvent traditionnellement de la compétition et du marchandage, chaque partie poursuivant ses propres intérêts. Mais lorsque des négociations portent sur des biens dits collectifs, comme l’environnement ou la santé, leur déroulement peut être différent. Parce que ces enjeux concernent l’avenir de l’humanité et sont négociés dans des cadres multilatéraux, la négociation des biens collectifs mondiaux revêt des aspects spécifiques.

1. L’extension des négociations internationales

Les négociations internationales ont pour objectif de réguler les phénomènes politiques et sociaux dépassant le cadre étatique, elles structurent la vie internationale en produisant des textes, des accords. Qu’elles se déroulent dans un cadre bilatéral (entre deux parties) ou multilatéral (trois parties ou plus), les négociations internationales sont caractérisées à la fois par une dualité concession/fermeté (elles existent en raison d’un différend et d’une volonté – au moins affichée – de le résoudre) et par une indétermination profonde (les stratégies des acteurs vont évoluer selon leurs intérêts et leurs perceptions, la conclusion d’un accord n’est jamais garantie) 1. Les acteurs traditionnels des négociations internationales, les États, ont été rejoints par des acteurs non-étatiques (ONG, entreprises, sociétés civiles, fondations, etc.) qui pèsent directement ou indirectement sur leur déroulement et par des agences ou des organisations internationales, qui fournissent le cadre de certaines négociations.

Le champ des négociations internationales n’a également cessé de s’étendre pour prendre en compte le renforcement des interdépendances dues à la mondialisation, couvrant désormais des domaines aussi divers que la paix, la sécurité, l’aide au développement, l’environnement, le climat, la biodiversité, la santé… Les négociations internationales tendent également à devenir permanentes. C’est, par exemple, le cas des négociations sur le climat, débutées en 1990 à la suite des travaux du Giec (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat) et qui se poursuivent jusqu’à aujourd’hui, chaque accord conclu appelant un suivi ou un autre accord 2. La Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique de 1992 a ainsi entraîné la négociation d’un protocole d’application, le protocole de Kyoto, en 1997, et des réunions annuelles sur la mise en œuvre de la Convention lors de la Conférence des parties (les prochaines ont lieu à Lima en décembre 2014 et à Paris en 2015).

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2. Spécificités des biens collectifs mondiaux

Cette extension des négociations internationales provient notamment d’une attention portée à des enjeux cruciaux pour l’avenir de l’humanité et qui sont, selon les auteurs et les cadres analytiques, désignés par les notions de « biens publics mondiaux » ou « biens communs », et que l’on peut rassembler ici sous la catégorie de « biens collectifs ». D’après les travaux d’économistes, un bien public se caractérise par le principe de non-rivalité (la consommation du bien par un individu n’empêche pas les autres individus d’en bénéficier) et de non-exclusion (personne ne peut être exclu de la consommation de ce bien). Un bien public est mondial lorsque ses effets concernent un large spectre de pays et une large part de la population mondiale, ainsi que les générations futures 3. La pureté de l’air, par exemple, est un bien public mondial ; néanmoins les critères de non-rivalité et de non-exclusion étant dans les faits rarement réunis, les économistes parlent également de biens publics impurs (ou mixtes), lorsqu’un seul des deux critères est pertinent. La notion de bien commun renvoie, quant à elle, à des ressources ou domaines d’intérêt partagé entre tous les êtres humains et auxquels tous les individus, par principe, devraient avoir accès (l’eau, la santé, par exemple, soulevant ainsi la question des droits de propriété). Dans tous les cas, ces biens collectifs (publics ou communs) appellent une « gestion » spécifique, pour en garantir la production, la distribution, ou la permanence à l’échelle mondiale. Celle-ci est l’objet de négociations internationales. Les biens collectifs mondiaux sont donc des ressources, des biens, des domaines d’intérêts, dont les effets concernent une large part de la population mondiale et des générations futures, dont tous les individus devraient pouvoir bénéficier et qui participent à la survie ou au bien-être collectif, c’est-à-dire de l’humanité dans son ensemble.