Comment devient-on bon élève ?

La réussite scolaire est injuste. Elle est inégalement répartie parmi les élèves, y compris chez ceux qui travaillent. Pour autant, tout n’est pas joué d’avance.

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Des ingrédients connus, mais une recette introuvable : ainsi pourrait-on résumer l’état des savoirs sur la réussite et l’échec scolaires. Parmi ces ingrédients, l’intelligence, la motivation, le capital culturel, la qualité de l’enseignement semblent incontournables. Mais aucune alchimie ne garantit la métamorphose d’un jeune enfant en brillant élève. Commençons donc par tordre le cou à quelques clichés. Naître dans un milieu privilégié n’assure pas automatiquement la réussite ; des enfants très intelligents peuvent se retrouver en échec au collège ; la motivation n’assure pas la compréhension des consignes ; le travail n’aboutit pas toujours à la réussite ; d’anciens cancres se révèlent à 20 ans, sans que personne ne les ait vu venir. En matière d’éducation, les théories trop simples ou trop déterministes se heurtent à mille contre-exemples. L’être humain réserve toujours des surprises à celui qui tente d’en écrire par avance la trajectoire.

Mais il reste un fait dont tout enseignant fait l’expérience au quotidien : entre plusieurs élèves du même âge, les différences sont légion : elles sont d’ordre cognitif, social, comportemental, affectif, économique, linguistique, culturel, psychologique. Ces disparités individuelles permettent-elles d’expliquer les inégalités de réussite ? Comment épauler chaque enfant au mieux ? Existe-t-il des secrets de l’excellence ? Dès la création de l’école obligatoire, en 1882, ces questions se sont imposées comme un sujet d’investigation scientifique en même temps qu’un enjeu politique.

1. L’intelligence, c’est utile…

L’intelligence a longtemps été pressentie comme le grand facteur explicatif de la réussite et de l’échec. Dès la fin du 19e siècle, en France, le ministre de l’Instruction publique met en place une commission pour comprendre pourquoi tous les enfants ne profitent pas également de l’enseignement proposé. C’est dans ce cadre que le psychologue Alfred Binet, assisté de son confrère Théodore Simon, développe en 1905 le premier test d’intelligence. Son idée, à ce moment-là, n’est pas de repérer les meilleurs : il s’agit plutôt d’identifier les élèves « arriérés » pour les mettre dans des classes adaptées, dans une démarche intégrative.

Les études sur l’intelligence se multiplient dans la foulée. Elles vont donner lieu à de très vifs débats. D’où vient l’intelligence ? Peut-elle être stimulée, cultivée (Victor Hugo disait des maîtres d’école qu’ils étaient des « jardiniers en intelligences humaines ») ? En existe-il une seule ou plusieurs formes ? Parmi les théories les plus célèbres figure celle du psychologue anglais Charles Spearman, contemporain de Binet. Selon lui, l’intelligence est un facteur général, le « facteur g », qui intègre les grandes compétences cognitives. Lorsqu’un enfant est bon dans un domaine, il est donc probable qu’il soit bon partout… Cette conception de l’intelligence a trouvé des prolongements récents sous l’impulsion de la neuroimagerie. Face à des tâches complexes, tout un réseau neuronal s’active. Les différentes zones cérébrales se connectent : aires frontale, pariétale et temporale, gyrus cingulaire… Rex Jung et Richard Haier, à l’origine de la « théorie de l’intégration fronto-pariétale » (2007), en concluent ainsi que les individus dont le cerveau présente une bonne connectivité seraient plus intelligents : ils mémorisent mieux, relient aisément des informations, raisonnent plus vite 1. Aussi réductrice puisse–t-elle paraître (l’intelligence, simple affaire de connectivité biologique ?), cette théorie se voit confortée par le suivi de cohortes d’enfants : l’intelligence ainsi définie se révèle être un bon prédicteur de la réussite scolaire…