Croit-on en Dieu par tradition ?

Adhérer à une religion, c'est s'inscrire dans une lignée croyante et en transmettre l'enseignement. Une exigence qui se heurte aujourd’hui à la sécularisation des sociétés.

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Assurer la transmission régulière des institutions et des valeurs d’une génération à une autre est, pour toute société, la condition de sa survie dans le temps. Dans les sociétés traditionnelles, des rituels d’initiation marquent solennellement l’entrée des jeunes dans la communauté des adultes. En même temps que ces rites effectuent et signifient l’incorporation des nouveaux initiés dans le groupe, ils confèrent aux jeunes la responsabilité d’en assurer à leur tour la continuité. Mais « continuité » ne signifie pas « immuabilité » : dans toutes les sociétés, la continuité s’assure toujours dans et par le changement. Ce changement oppose inévitablement les nouvelles générations aux anciennes. Il n’y a, de ce fait, pas de transmission sans qu’il y ait en même temps « crise de la transmission ».

Dans les sociétés modernes où la rapidité du changement constitue un véritable impératif culturel, cette « crise de la transmission » a profondément changé de nature. Les distorsions entre les univers culturels des différentes générations ne correspondent plus seulement aux adaptations que les données nouvelles de la vie en société rendent nécessaires. Elles localisent de véritables fractures qui atteignent en profondeur les identités, le rapport au monde et les capacités de communication des individus. Elles correspondent à un remaniement global des références collectives, à des ruptures de la mémoire, à une réorganisation des valeurs qui mettent en question les fondements mêmes du lien social. Toutes les institutions de socialisation (famille, école, Églises, etc.) sont confrontées à cette discontinuité culturelle qui les contraint à une redéfinition de leur mission. De nos jours, les parents doutent même de la nécessité de la transmission religieuse. Cela ne signifie pas qu’ils soient étrangers à toute croyance. Mais celle-ci est devenue à leurs yeux une affaire de choix personnel et n’est pas nécessairement associée à l’obligation de transmettre. Le thème du « droit au choix » laissé aux enfants leur permet couramment de justifier leur refus, explicite ou implicite. Il fait également écho au souhait exprimé par les jeunes de « pouvoir choisir leur religion » en fonction de l’affinité avec telle ou telle tradition 1.