Des inégalités à la solidarité

Tous inégaux, tous singuliers. Repenser la solidarité, François Dubet, Seuil, 2022, 288 p., 20 €.

L’émiettement des classes sociales s’est accompagné d’une individualisation et d’une inflation des inégalités, qui séparent plus qu’elles rassemblent. François Dubet en appelle à l’école et à la sociologie pour « repenser la solidarité ».

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De la littérature au cinéma en passant par la politique, la France vit dans la nostalgie d’une époque où les inégalités de classes structuraient les conflits sociaux, les appartenances politiques et les identités. Et pour cause : à partir des années 1980, sous l’effet des mutations du capitalisme et de la mondialisation, l’effacement du régime des inégalités de classes né au 19e siècle a brouillé les repères politiques et sociaux, souligne François Dubet dans ce nouvel essai où il approfondit son analyse des mutations du régime des inégalités.

Cette évolution, qui ne s’est pas traduite par une dilution des inégalités au sein d’une grande classe moyenne (moyennisation), a cédé la place à une société fortement individualisée, nettement plus fragmentée. Si globalement, le système redistributif à la française a permis d’éviter l’explosion des inégalités sociales, les petites inégalités « en fonction du niveau de protection salariale, du lieu de vie, de l’âge, de la situation familiale… », elles, se sont accrues, remarque le sociologue.

Il existe toujours une différence, rappelle F. Dubet, entre les inégalités objectives et les inégalités perçues. Leur appréhension varie selon les époques, et les cultures : les inégalités sont mieux tolérées dans les pays libéraux où elles sont envisagées comme un signe de méritocratie ou de mobilité sociale que dans les pays socio-démocrates, par exemple. Mais leur perception dépend aussi de « l’économie morale » des individus, relativement indépendante de leur position sociale.