Sciences Humaines : Depuis une dizaine d'années, on constate un retour en force de l'éducation civique à l'école. Comment l'expliquez-vous ?
Robert Ballion : Ce phénomène tient à la conjonction de deux exigences. La première prend la forme d'une commande explicite de la société. Au cours des années 90, la montée du chômage, la violence dans les banlieues... ont rendu plus difficile l'intégration des jeunes. La société se tourne vers l'école car celle-ci apparaît comme la seule institution socialisante apte à régler ces problèmes, en particulier dans les quartiers en difficulté.
La seconde raison tient à la crise de légitimité que connaît actuellement l'institution scolaire. Les actes de violence réelle ne concernent que 20 % des collèges et 10 % des lycées, mais il se développe dans l'ensemble des établissements un climat d'incivilités. Pour beaucoup d'élèves, l'Ecole n'est plus en droit d'imposer des exigences dès lors qu'elle ne semble plus préparer à l'emploi. Ces conditions de fonctionnement lui impose de socialiser les jeunes en même temps que de les instruire, de leur faire accepter leur condition d'élève et les règles de la vie scolaire, ce qui constitue en fait un apprentissage de la citoyenneté.