Evaluer les psychothérapies : mission impossible ?

L’évaluation se heurte à plusieurs obstacles : d’abord, aucune prise en charge ne ressemble à une autre ; ensuite, la qualité de la relation avec le thérapeute résiste à l’analyse.

On entend en général par psychothérapie un ensemble d’actes de langage accomplis par un professionnel à l’encontre d’une personne, nommée « patient » ou « client ». Ces actes concourent à améliorer l’état corporel ou/et mental de cette personne. Ils se doivent d’être cohérents avec un certain modèle psychopathologique, lui-même conforme à « une théorie thérapeutique ». Ce modèle explique le trouble, l’angoisse, la détresse, le malheur, et leurs conséquences néfastes sur le corps et l’esprit. Il définit en outre le mode d’action du psychothérapeute.

Les théories psychothérapeutiques sont souvent considérées, à tort, comme des données aussi précises et fiables que des théories scientifiques (physiques, chimiques ou biologiques). Pourtant à la différence de ces dernières, les théories psychothérapeutiques ne peuvent être ni confirmées ni infirmées par les faits. En effet, le niveau de généralité des concepts utilisés dans ces modèles ne permet pas cette confrontation empirique décisive. La complexité des phénomènes est telle qu’aucun des modèles censés en rendre compte ne peut être opposé aux autres à partir d’arguments scientifiques, c’est-à-dire d’arguments de fait. Le mieux-être d’un patient ne prouve pas la valeur de la technique employée dans le cadre d’un modèle : en effet, pour qu’il le prouve, il faudrait pouvoir montrer que toute autre technique, ainsi que l’absence de prise en charge, n’aboutit jamais à ce mieux-être. Il faudrait également expliquer quels sont les facteurs techniques qui interviennent dans ce changement, et en reproduire les effets à volonté. Or les nombreuses recherches qui s’appliquent à faire émerger de tels facteurs restent descriptives, et non explicatives. Pourquoi ? Premièrement, parce cette forme d’interaction humaine met en jeu le langage et la pensée, dont la nature immatérielle semble en partie échapper à la saisie causale des phénomènes. Deuxièmement, parce que le système psychothérapeutique est fondamentalement interactif : de ce fait, il met en jeu des facteurs intriqués et complexes.