Femmes battues : débat autour d'une enquête

En 2003, les conclusions de la première grande enquête française consacrée aux violences subies par les femmes a provoqué une polémique, qui questionne le regard porté sur les rapports homme/femme et aussi sur le féminisme.

Lors de la conférence mondiale sur les femmes à Pékin en 1995, les gouvernements ont été invités à produire des statistiques précises sur les violences faites aux femmes. Une recommandation concrétisée en France par différentes institutions, autour du secrétariat d'Etat aux Droits des femmes, qui ont lancé l'enquête Enveff (Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France), la première du genre dans notre pays. Une équipe pluridisciplinaire ? démographes, sociologues, statisticiens, etc. ? a mis au point un questionnaire, soumis, durant l'année 2000, par téléphone à près de 7 000 femmes âgées de 20 à 59 ans.

Dès 2001, les premiers résultats de l'enquête Enveff ont été progressivement rendus publics, largement relayés et commentés par la presse. La sortie, en juin 2003, de l'analyse détaillée des données obtenues 1 a précédé de peu un fait divers tragique et fortement médiatisé : la mort de l'actrice Marie Trintignant, appelée à devenir le symbole de la violence conjugale. De violence conjugale, il en est question dans cette enquête, mais également de toutes les autres formes de violence subies par les femmes, dans la sphère privée, mais également l'espace public et le cadre professionnel, sur une période de douze mois : des insultes au harcèlement sexuel, des pressions psychologiques aux agressions physiques, le panel est très large. Les données extrêmement détaillées (qui concernent aussi les violences envers les femmes migrantes, ou les démarches entreprises auprès des instances judiciaires) battent en brèche l'image traditionnelle de la « femme battue ». Les violences toucheraient les femmes sans distinction de milieu ou d'âge, mais leur forme diffère selon certains profils : les jeunes femmes (de moins de 25 ans) subiraient plus que les autres des atteintes et agressions de toute nature dans la sphère conjugale. Les agressions physiques seraient, contrairement à ce qu'on pourrait supposer, aussi fréquentes chez les cadres que chez les ouvrières (environ 3 % déclarent avoir été victimes de violences conjugales dans chacune de ces catégories).