Hannah Arendt, le courage de la pensée

En analysant les origines du totalitarisme et la condition de l’homme moderne, Hannah Arendt s’est imposée comme l’une des principales figures de la pensée du 20e siècle.

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À un colloque à Toronto où on lui demandait de situer sa pensée, Hannah Arendt déclarait sans ambages : « Vous me demandez où je suis. Je ne suis nulle part. Je ne suis ni dans le courant du présent, ni dans aucune autre pensée philosophique. » Son indépendance intellectuelle, elle l’affirmait haut et fort. Sans pour autant afficher une posture féministe. Dans un entretien télévisé de 1954, elle indiquait ainsi : « J’ai toujours pensé qu’il existait des activités déterminées qui ne convenaient pas aux femmes, qui ne leur allaient pas, si je puis m’exprimer ainsi. Donner des ordres ne sied pas à une femme (…). Quoi qu’il en soit, je me suis pour ma part plus ou moins inconsciemment, ou plus ou moins consciemment, conformée à cette opinion. Le problème lui-même n’a joué pour moi personnellement aucun rôle. En réalité, j’ai simplement fait ce que j’avais envie de faire. »

L’avènement du nazisme et les atrocités de la Seconde Guerre mondiale marquent pour elle un tournant. Son avenir semblait tout tracé. Née en 1906 à Hanovre dans une famille juive cultivée et laïque, H. Arendt est une brillante étudiante de philosophie qui ne marque pas encore d’intérêt particulier pour la question politique. Elle consacre sa thèse au concept d’amour chez saint Augustin et elle a pour maîtres les plus grands philosophes allemands de l’époque : Edmund Husserl, Karl Jaspers et surtout Martin Heidegger avec lequel elle noue une idylle. Une histoire qui fera couler beaucoup d’encre tant semble a posteriori contre nature la romance entre la jeune étudiante juive et le philosophe qui se compromettra avec le nazisme. Face à la montée des périls, elle s’engage, se rapprochant notamment du sioniste Kurt Blumenfeld. Avec l’accession d’Hitler au pouvoir, elle prend le chemin de l’exil aux côtés de tant d’autres intellectuels juifs, dès 1933 vers Paris où elle fréquente Walter Benjamin ou Bertold Brecht. Avant que la guerre la rattrape et l’oblige à fuir plus loin encore, vers les États-Unis où elle posera définitivement ses bagages.