Il vient de naître et il a déjà toute une histoire. Des mois passés dans le ventre maternel à percevoir bien des sensations, mais aussi les émotions de sa mère, probablement, au rythme des battements cardiaques et des hormones maternelles. Et il n’en perd pas une miette, il peut même s’en souvenir après la naissance. Il ressent donc bien des choses avant même de se trouver au contact de notre environnement. Mais quoi ? Comment ? Et à partir de quel moment ? En quoi est-ce déterminant pour son bagage cognitif ultérieur ? Les réponses apportées par les recherches, rendues possibles par les progrès des techniques d’observation, sont récentes et alimentent encore les débats sur les capacités mais aussi le statut, l’identité de cet être en gestation. Réalité fœtale ou projections parentales, rien n’est certain.
Naissance des perceptions
Quelques cellules se divisent, se multiplient et s’organisent au fil des semaines après la conception. Depuis les premiers battements de cœur dès la fin du premier mois de grossesse, jusqu’aux images stupéfiantes à la première échographie du premier trimestre, le fœtus s’est développé à vitesse grand V. Ses membres se sont allongés, son profil s’est dessiné, sa bouche, ses yeux, ses oreilles se sont formés peu à peu. Après le quatrième mois parfois, on peut aussi le sentir bouger, et bientôt répondre aux sollicitations souvent tactiles dans le cadre de séances d’haptonomie. Il semble ainsi communiquer, répondre et presque appeler la main sur le ventre pour venir s’y blottir… Vraiment ? « À ce stade et même longtemps après, il est bien difficile de savoir ce qui se passe dans la tête d’un fœtus. C’est le travail des parents de faire des projections et de construire dès lors le lien parental », prévient le Luc Roegiers, pédopsychiatre périnatal des cliniques universitaires Saint-Luc en Belgique. Pas celui des neuroscientifiques, très prudents pour interpréter les réactions du fœtus. On sait pourtant que les bases du cerveau de l’embryon sont en place très tôt. Dès la quatrième semaine, le tube neuronal préfigurant le système nerveux s’est formé, et les premiers neurones apparaissent : leur nombre explose vers le quatrième mois pour attendre les 100 milliards, à raison de 5 000 nouveaux neurones par seconde. D’ici là, les hémisphères se dessinent, le cortex s’ébauche et les connexions entre régions cérébrales se développent pour leur permettre de communiquer en réseaux. Et en fin de deuxième trimestre, le fœtus reçoit déjà les informations sensorielles au niveau du cortex.
Cartographie du développement du cerveau
Pourquoi pas plus tôt, ou pas plus tard, puisque le cerveau va poursuivre sa maturation jusqu’à l’âge adulte ? Le timing du développement cérébral se révèle complexe et les modes de traitement des perceptions pourraient être plus précoces. On le sait grâce à une cartographie plus détaillée du développement du cerveau, rendue possible par de nouveaux moyens d’observation, comme l’IRM in utero, mais aussi avec le développement d’algorithmes permettant d’analyser les images avec précision. C’est ainsi que Julien Pontabry, chercheur en traitement du signal et des images au centre Helmholtz à Munich, a pu mettre en évidence à la surface du cerveau des biomarqueurs du développement cérébral entre le deuxième et le troisième trimestre dans des régions très localisées 1. De quoi aider les médecins à établir aussi plus finement une chronologie du système sensoriel.