L'affiche, creuset de l'art et de la pub

Mâtinée de recherches esthétiques et d’innovations techniques, l’affiche française s’est enrichie en se mettant au service d’enjeux commerciaux… mais aussi en tentant de rompre avec eux.

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C’est au 15e siècle, date de l’invention de l’imprimerie (1440), que le mot affiche, qui depuis le 12e siècle désignait une agrafe, prend son sens d’« avis imprimé » sur une feuille de papier apposée sur une paroi.

En France, l’affichage est né en 1539 d’une ordonnance de François Ier stipulant que les annonces des crieurs de rue seront accompagnées par la mise en place dans l’espace public de placards : « Les lois seront attachées à un tableau, écrites sur des parchemins en grosses lettres dans les seize quartiers de la ville (…). Fait défense de les ôter à peine de punition corporelle. »

De petits formats, les placards étaient, jusqu’au 18e siècle, essentiellement réservés à l’Église et au roi. Seuls les sortants de l’Imprimerie royale avaient le droit d’être imprimés sur du papier blanc. Les autres, comme les affiches de spectacles devaient être imprimées sur des papiers de couleur.

Il faut attendre la Révolution de 1789, avec la loi sur la liberté de la presse, pour voir l’affichage envahir les rues de Paris, comme en témoigne en 1798 l’écrivain Louis-Sébastien Mercier : « Au moment où ces lignes sont écrites, l’affiche couvre, colore, habille Paris. Ces innombrables papiers qui garnissent les murs avec leurs couleurs et leurs dimensions variées informent tout un chacun, et soudain, de ce qui est nouveau, et dans aucune autre ville il n’y a tant de gens qui lisent, tant de gens qui impriment, qui inventent, qui spéculent, qui s’adonnent au commerce 1. »

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• De l’affiche typographique à l’affiche illustrée

Mais la vraie révolution de l’affiche date de la fin du 18e siècle, suite à l’invention, en 1796, par Aloys Senefelder (1771-1834) du procédé de la lithographie. Grâce à ce procédé, l’image peut enfin s’agrandir et sortir du cadre restreint de la vignette.

C’est avec le développement du livre illustré que l’affiche prend véritablement son essor, avec l’apparition d’un genre très spécifique : l’affiche de librairie. De petites dimensions (65 x 50 cm), ces affiches lithographiques sont destinées à être apposées à l’intérieur des librairies pour promouvoir les nouvelles parutions des écrivains romantiques. Les éditeurs confient souvent la réalisation de ces affiches aux grands illustrateurs de l’époque comme Achille Devéria, qui inaugure ce genre avec le livre de Goethe, Faust, ou encore à de grands peintres comme Édouard Manet qui en 1868 signe l’affiche pour Les Chats de Jules Champfleury.

• Jules Chéret, le « Tiépolo de la rue »

En 1866, Jules Chéret (1836-1932), alors à la tête d’une imprimerie parisienne, n’aura de cesse de perfectionner la chromolithographie, procédé de lithographie en couleur inventée en 1837 par Godefroy Engelmann. Père de l’affiche illustrée, de l’affiche artistique et de l’affiche moderne, il multiplie les nuances de couleurs et introduit en France, le grand format (jusqu’à 140 x 240) grâce à l’utilisation de pierres de grande taille.

En plus d’être un technicien hors pair, J. Chéret réinvente le sujet même de l’affiche avec le personnage féminin affriolant de la « chérette » qui, dans une composition dynamique, semble prendre son envol dans l’affiche tout en cherchant à séduire le badaud pour vendre lampes à pétrole, cuisinières, spiritueux ou spectacle. ou encore la célèbre danseuse américaine Loïe Fuller.

À cette époque où les murs de Paris sont essentiellement recouverts de simples affiches typographiques, de petits formats et en noir et blanc, cette surprenante explosion de couleurs et de mouvements vaudront le surnom du « Tiépolo de la rue ».

Sa première affiche, Bal Valentino qu’il réalise en 1867, annonce le début d’une longue période créative de presque trente ans avec la création de plus de mille affiches.