L'économie repensée

Voici quatre figures féminines qui ont prolongé les réflexions de leurs prédécesseurs et ont développé leurs propres idées de la gestion des communs, de la mondialisation ou encore de la lutte contre la pauvreté.

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Joan Robinson 1903-1983 - Dans les pas de Keynes

Économiste britannique, contemporaine de John Maynard Keynes qui a théorisé le rôle essentiel de l’État providence dans une économie de marché, elle a participé avec lui à des réunions de travail, sous l’égide du Cambridge Circus, qui ont précédé la publication de son œuvre majeure, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936). Étudiante puis économiste à Cambridge, mariée à un économiste enseignant cette discipline dans la même université, elle a participé activement au développement des idées keynésiennes, dont elle a résumé ses principaux apports dans Contributions à l’économie contemporaine (1978).

Ses travaux portent sur la critique de l’approche néoclassique. Cette dernière considère que des marchés fonctionnant librement parviennent spontanément à l’équilibre, générant plein-emploi et croissance. Dès 1933, dans L’Économie de la concurrence imparfaite, J. Robinson commence à remettre en question cette approche en travaillant sur des situations de marché dites de concurrence imparfaite, où cette concurrence est biaisée. Elle étudie des monopoles, c’est-à-dire des situations dans lesquelles une seule entreprise réalise la totalité de la production, comme l’a été le groupe De Beers dans le négoce du diamant durant le 20e siècle. Elle montre que ces entreprises parviennent à accroître leurs profits en diminuant la quantité produite et en augmentant les prix, ce qui se réalise au détriment des consommateurs.

J. Robinson s’oppose aussi à une approche bien trop statique de l’équilibre entre l’offre et la demande selon laquelle la flexibilité des prix permettrait spontanément de réguler les marchés. Au contraire, J. Robinson conçoit l’économie comme un processus dynamique, en perpétuel mouvement, qu’on ne peut comprendre qu’en intégrant la dimension psychologique des choix humains. Dans la lignée des travaux de J.M. Keynes, elle se penche sur la manière dont l’incertitude sur l’avenir peut influencer nos décisions économiques : l’optimisme pousse à investir, le pessimisme freine.

Toujours selon elle, l’épargne n’est pas un préalable à l’investissement. Elle développe l’idée selon laquelle un investissement financé via une création monétaire est source de croissance, de richesses, et donc de revenus additionnels dont une partie sera par la suite épargnée. De même, alors que les néoclassiques avancent qu’il est bon que les entreprises fassent des profits pour les investir et donc contribuer à la croissance, elle montre que c’est la croissance économique qui crée de la richesse et participe à la hausse des profits. Renaud Chartoire