L'éducation nouvelle. Liberté, créativité, autonomie

« Et sur les indications du diable, on créa l'école. L'enfant aime la nature : on le parqua dans des salles closes. L'enfant aime voir son activité servir à quelque chose : on fit en sorte qu'elle n'eût aucun but. Il aime bouger : on l'obligea à se tenir immobile. Il aime manier des objets : on le mit en contact avec des idées. Il aime se servir de ses mains : on ne mit en jeu que son cerveau. Il aime parler : on le contraignit au silence. Il voudrait raisonner : on le fit mémoriser. Il voudrait chercher la science : on la lui servit toute faite. Il voudrait s'enthousiasmer : on inventa les punitions. (... ) Alors les enfants apprirent ce qu'ils n'auraient jamais appris sans cela. Ils surent dissimuler, ils surent tricher, ils surent mentir. » Cette déclaration d'Adolphe Ferrière, cofondateur en 1921 de la Ligue internationale de l'éducation nouvelle, résume une préoccupation commune de ce courant : la critique de la pédagogie traditionnelle.

C'est à la fin du XIXe siècle que naissent les premières écoles nouvelles : la New School d'Abbotsholme, en Angleterre, créée par Cecil Reddie ; l'école-laboratoire de l'université de Chicago, fondée par John Dewey ; les Arbeitsschule (école active) de Munich, par Georg Kerschensteiner ; la Casa de bambini, à Rome, de Maria Montessori ; l'école de l'Ermitage d'Ovide Decroly, à Bruxelles, en 1907 ; l'école des Roches, en France.

Éduquer dans un esprit nouveau

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le mouvement prend un nouveau souffle : la nécessité de réformer l'éducation se fait sentir pour former « des individus capables de mettre fin aux guerres et d'organiser, par la compréhension mutuelle, un monde meilleur ». Toutes sortes de tentatives pédagogiques fleurissent : à la fondation des Communautés libres de Hambourg, les enfants organisent seuls leur vie scolaire, décident de leur règlement et choisissent leurs responsables. Aux Etats-Unis, le plan Dalton met en place les méthodes de travail individualisé et une pédagogie du contrat entre l'élève et l'enseignant, tandis qu'en Angleterre, A.S. Neill fonde sa célèbre école de Summerhill, en 1921...

A la même époque, le psychologue suisse Edouard Claparède crée l'Institut Jean-Jacques-Rousseau, à Genève, en 1912, véritable institut de sciences de l'éducation destiné à former, « dans un esprit nouveau », aux carrières pédagogiques. Et c'est dans les années 20 que l'un de ses élèves, Jean Piaget, commence à publier toute une série d'ouvrages sur le développement de l'intelligence chez l'enfant. Avec ceux d'Henri Wallon, ils influenceront et encourageront le développement de l'éducation nouvelle. De leurs côtés, Ferdinand Buisson et Alfred Binet poursuivent leurs travaux sur la mesure de l'intelligence et prônent une pédagogie scientifique. Durant cette période, le foisonnement des publications témoigne d'une intense activité de recherche pédagogique. L'éducation nouvelle puise son inspiration dans divers courants, scientifique (celui de la psychologie de l'enfant), philosophique (le pragmatisme de John Dewey, philosophe américain dont la formule « learning by doing » est restée célèbre). Mais surtout, « l'amour et le respect de l'enfance sont universels dans toute l'histoire de l'éducation nouvelle », explique Roger Cousinet (L'Education nouvelle, 1968). A partir des idées rousseauistes, sont exaltés la vie à la campagne, le travail manuel et le jardinage, la liberté et la création artistique.