Le moment structuraliste des années 1960 a puisé chez Nietzsche et Heidegger une critique radicale de l’humanisme permettant de faire disparaître la figure de l’humain comme un visage de sable effacé par la mer, selon l’image de Michel Foucault. Les maîtres-penseurs de cette période, Claude Lévi-Strauss, Roland Barthes, Louis Althusser, Jacques Lacan et Michel Foucault, soumettent l’humain au crible du soupçon. Ils rejettent la divinisation de l’humain comme substitut à la religion, et ce d’autant plus qu’après la Shoah prédomine la honte d’être un humain, dit Gilles Deleuze. La barbarie nazie ayant transformé l’individu en numéro matricule et mené un génocide, on ne se laissera plus bercer par l’illusion héritée des Lumières selon laquelle l’histoire conduirait à l’émancipation de l’humanité.
Un siècle auparavant, Friedrich Nietzsche s’était déjà attaqué à l’humanisme, niant à l’homme son rôle central d’être plein, et de sujet siège de la conscience de soi. Cette critique avait été ensuite radicalisée par Martin Heidegger. L’homme est dépossédé de toute maîtrise dans la mesure où sa réalité ne peut lui apparaître que comme voilement. Heidegger souligne le fait que le propre de l’humain est de ne pas en avoir, d’où sa capacité à s’arracher aux codes qui l’enferment dans des déterminations particulières. L’existence précède l’essence, et spécifie l’homme dans son néant premier et sa vocation à l’universalité, thématique que reprendra Jean-Paul Sartre dans L’Être et le Néant (1943). Cependant pour Sartre l’existentialisme peut être un humanisme, alors que chez Heidegger, il induit une position antihumaniste. L’homme se trouve inexorablement assujetti à une histoire dont il n’est plus le sujet, mais l’objet ou même le jouet.