La « sagesse » populaire l’a toujours appelé « l’enfant difficile ». Difficile pour ses parents, pour ses enseignants mais aussi et sans doute surtout pour lui-même. Où se trouve la frontière entre normalité et dysfonctionnement, problème d’éducation ou trouble psychologique ? Qu’est-ce qui, dans l’histoire de l’enfant, dans sa biologie même, peut (ou ne pas) expliquer cette difficulté ou incapacité à répondre aux lois du vivre ensemble à la maison, à l’école ? Comment sortir d’un engrenage d’incompréhension, voire de violence, qui sème le désarroi dans les familles et en classe ? Prévenir, comprendre et guérir ces troubles est devenu un enjeu de santé mais aussi de société, assez récent sous nos latitudes. En France, il a fallu attendre plusieurs études collectives de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), commandées par la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie) dans les années 2000 et motivées par une demande de soins grandissante dans la santé mentale des enfants et adolescents, pour tenter de cerner ces troubles de façon plus scientifique. Jusqu’alors, un enfant difficile était au mieux un enfant que les parents n’avaient pas su éduquer, au pire le champion toutes catégories des irrécupérables congénitaux. Culpabilisation des parents et jugements à l’emporte-pièce étaient le plus souvent au programme des consultations que les plus téméraires osaient tenter.
Au tournant du millénaire, les deux premiers rapports de l’Inserm ont changé les regards. Ils faisaient le point sur l’hyperactivité, l’autisme, la dépression et les troubles anxieux, concluant qu’un enfant sur huit souffrait d’un trouble mental. Ce qui fit déjà le lit d’une polémique qui n’a cessé d’enfler, nombre de pédopsychiatres et de psychologues se considérant disqualifiés dans leurs pratiques, car estimant que ce rapport, en s’appuyant essentiellement sur des pratiques anglo-saxonnes, ignorait la qualité d’une prise en charge française plus psychodynamique et psychanalytique. Le dernier rapport de l’institut 1, en 2005, s’intéressait plus particulièrement au trouble des conduites, menant à des actes antisociaux et délinquants, qui touche les adolescents. Il préconisait un repérage précoce, entre 3 et 5 ans, de comportements qui devraient alerter. Ce rapport semait lui aussi un vent de révolte, notamment en évoquant de possibles facteurs biologiques et d’héritabilité et en faisant mention de traitements psychotropes 2.
Un tournant neuropsychologique
À ces craintes exprimées par des professionnels de l’enfance dans une pétition aux plus de 20 000 signatures, Christine Gétin, présidente de l’association HyperSupers TDAH France répondait en 2006 que ce rapport avait le mérite de poser des questions ; il fallait amorcer des réponses en adéquation avec les réalités du terrain. « Dans la majorité des cas, aucune aide ni évaluation concrète ne sont proposées en dehors d’une prise en charge psychologique de l’enfant ou du parent lui-même sur le lien psychoaffectif, dans le meilleur des cas. Ainsi, on ne soupçonne pas l’existence possible d’un trouble pouvant conduire les enfants à des situations d’exclusion sociale et scolaire », affirmait-elle, posant clairement aussi le problème de nomadisme thérapeutique des parents concernés.