En 1962, seize ans avant que retentisse sur les écrans le « darla dirladada » des Bronzés, le film Adieu Philippine de Jacques Rozier est le premier à mettre en scène la vie dans un club de vacances corse, très semblable au Club Méditerranée. Michel, jeune machiniste à la télévision, s’y rend avec deux amies, Liliane et Juliette. La manière dont est filmé le club est quasiment documentaire et on peut voir l’accueil chaleureux réservé aux nouveaux arrivants par les vacanciers, les colliers de fleurs, les chants, les danses, les jeux, l’animation, la drague, les baignades, la manière dont les corps se dénudent et se rapprochent. Quelques années à peine après la naissance du fameux Club Med (1957), un cinéaste a su se saisir des codes en vigueur dans un centre de vacances pour évoquer, sur fond de guerre d’Algérie, la jeunesse de son pays.
Ces centres de vacances disent bien l’esprit des changements de mœurs intervenus dans cette deuxième moitié du 20e siècle. Il en existe de plusieurs sortes : le Club Méditerranée est créé par de jeunes bourgeois sportifs et hédonistes, désireux de concilier un mode de vie plus relâché que celui de leurs parents et la possibilité de créer une entreprise rentable. Ils professionnalisent leurs dispositions aux loisirs et s’adressent très vite plutôt à des vacanciers qui ont les moyens. De l’autre côté, les associations de tourisme populaire, ou tourisme social, sont liées aux confédérations syndicales à travers le budget des œuvres sociales, lequel est géré par les comités d’entreprise créés à la Libération. Les milieux populaires accèdent comme jamais, bien plus qu’en 1936, année des congés payés, à une pratique longtemps réservée aux privilégiés, celle des vacances. Dans la société salariale (selon le terme de Robert Castel) qui s’est instaurée au lendemain de la guerre, les différents mécanismes de protection et de sécurité sociale rendent envisageable de consacrer une partie de son salaire à ce qui auparavant était jugé superflu. Plusieurs associations naissent après-guerre : Tourisme et Travail est liée à la CGT, VVF (villages vacances familles) est issue du syndicalisme chrétien et soutenue par la Caisse des dépôts et consignations. Elles développent, parmi d’autres activités, des centres de vacances familiaux destinés aux salariés du pays. Les CE de certaines grosses entreprises peuvent aussi développer leurs propres activités de vacances et leurs propres centres : c’est le cas de la Caisse centrale des activités sociales (CCAS) d’EDF.