L'entreprise libérée, réalité ou imposture ?

Une entreprise libérée de la hiérarchie et qui laisserait les salariés décider eux-mêmes de leurs conditions et méthodes de travail : cette utopie managériale a été mise en œuvre et racontée par Isaac Getz et Brian Carney. Qu’en est-il vraiment ?

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Qu’est-ce que « l’entreprise libérée » ? D’abord un slogan, une formule choc lancée par Isaac Getz et Brian Carney dans un livre manifeste : Liberté & Cie. Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises 1. Paru en 2009, ce livre est devenu un best-seller du management en quelques mois. Dans le sillage de ce succès, le concept d’entreprise libérée a fait l’objet de dizaines d’articles de presse, de reportage TV 2 et a suscité un réel engouement sur les réseaux sociaux.

L’entreprise libérée repose sur une idée simple. Il faut en finir avec l’entreprise taylorienne, pyramidale et bureaucratique, et apprendre à faire confiance aux salariés : ce sont les mieux à même de savoir comment bien faire leur travail, résoudre les problèmes et innover. Dès lors qu’on les libère des consignes tatillonnes, contrôles, règles et directives de toutes sortes, ils s’en sortent très bien. Tout le monde y gagne ; les salariés sont plus heureux, les clients satisfaits et les dirigeants comblés… car les bénéfices sont au rendez-vous. « La liberté, ça marche », affirment sans ambages I. Getz et B. Carney.

Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ! Libérer l’entreprise des hiérarchies inutiles, l’idée devrait plaire à tous, notamment aux salariés qui sont les premiers concernés. Ce qui est un peu gênant, c’est que les salariés sont les grands absents de Liberté & Cie. Les seuls à avoir la parole et à vanter les mérites de la formule sont une poignée de « leaders libérateurs » et de consultants qui promeuvent la formule.

Et si l’on donnait la parole aux salariés ?

Liberté & Cie est composé comme un bon storytelling. Une intrigue : l’entreprise étouffe sous la hiérarchie ; une solution : libérer les salariés ; et quelques exemples de réussites exemplaires. Entrons dans le détail. La formule de l’entreprise libérée repose sur quatre étapes : 1) « Cesser de parler et écouter les salariés. » Pour cela, il faut commencer par supprimer les symboles du pouvoir (c’est-à-dire renoncer aux symboles qui marquent les différences entre direction et salariés). 2) « Partager ouvertement et activement sa vision de l’entreprise pour permettre aux salariés de se l’approprier. » 3) « Arrêter d’essayer de motiver les salariés .» Dès lors qu’ils sont libres d’agir, la motivation des salariés est au rendez-vous et 4) « Rester vigilant. » Le dirigeant libérateur doit veiller à ce qu’il n’y ait pas de dérive. Voilà pour les grands principes.

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Concrètement, comment ça marche ? En fait, il n’y a pas de modèle, ni d’organisation unique. Chacun doit se débrouiller en fonction du contexte. À défaut de recette, I. Getz et B. Carney nous présentent des cas emblématiques d’entreprises libérées : Harley-Davidson, Gore. GSI, Sun Hydraulics, Sea Smoke Cellar, FAVI.