L'éthique aujourd'hui Ruwen Ogien

L'éthique aujourd'hui Ruwen Ogien

De la morale, nous ne savons ordinairement pas dire grand-chose, sinon que le mot dégage un léger parfum de vieux grenier. Qui, de nos jours, prétend « avoir de la morale » ? L’individu moderne n’en aurait pas vraiment besoin : d’un côté, ce qu’il fait aux autres est soumis aux règles du droit et des bonnes mœurs, de l’autre, ce qu’il fait à lui-même ne concerne que lui et sa liberté. Pourtant, la vie nous contraint beaucoup plus que cela : à nous sentir mal si nous mentons, à nous faire des reproches si nous sommes paresseux, à éprouver de la honte si nous sommes pauvres.

Avocat du libéralisme

Où est la morale là-dedans ? L’entreprise de Ruwen Ogien, à défaut d’être consensuelle, a le grand mérite de prendre cette question à bras-le-corps et de tenter d’y répondre de manière très claire. Il y a, explique-t-il, pour les philosophes, deux façons d’envisager l’éthique (ou la morale). L’une est « maximaliste », au sens où toutes (ou presque) nos actions sont susceptibles d’être évaluées. Ce disant, il met quasiment dans le même sac deux des principales écoles de philosophie morale : le perfectionnisme, héritier d’Aristote, et la morale déontologique, formalisée par Emmanuel Kant. Toutes deux, aux yeux de R. Ogien en « font trop », car elles postulent que des impératifs existent alors même que nous ne ferions subir aucun dommage à autrui. Exemple : un esprit kantien trouvera « indigne » que l’on s’adonne à des activités SM, un aristotélicien n’y verra qu’un « gâchis » et une « faiblesse ». Ce que R. Ogien trouve particulièrement inacceptable dans ce paternalisme (pratiqué aussi bien par les États que les gens), c’est l’appel à de grands principes tels que la « dignité humaine », voire la « nature », pour justifier de contraindre les gens à suivre une conduite qu’ils n’ont pas choisie. C’est pour lui liberticide.