L'inconscient ou l'oubli de l'histoire

L’inconscient ou l’oubli de l’histoire. Profondeurs, métamorphoses et révolutions de la vie affective, Hervé Mazurel, La Découverte, 2021, 592 p., 25 €.

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On avait déjà remarqué l’ouvrage d’Hervé Mazurel sur Kaspar Hauser l’an passé, tout en subtile humanité. Ce nouveau livre est semble-t-il bien différent, tant par la forme que par le contenu. Il reprend cependant cette idée selon laquelle nous sommes pétris par l’histoire. Avec une certaine audace, l’historien des affects et des imaginaires s’empare d’un objet qui non seulement n’appartient pas à sa discipline, mais est généralement vu comme insensible à l’histoire : l’inconscient. Du moins fut-il ainsi présenté par son archéologue, Sigmund Freud, pratiquant la psychanalyse dans la Vienne de la fin du 19e siècle et du début du 20e. Voulant faire science, il lui fallait trouver des lois universelles et constantes qui soutiennent sa théorie du psychisme. H. Mazurel n’entend pas mener à bien un énième et pénible déboulonnage de la statue du père de la psychanalyse, mais plutôt de soumettre l’inconscient à l’horloge de l’histoire, et montrer que l’inconscient est perméable aux influences changeantes de l’environnement social. Certains analystes ont d’ailleurs déjà constaté dans leur clinique que les pathologies évoluaient, ce qui suggère que la structure enfouie de notre psyché n’est nullement éternelle. Ce qui fait de l’histoire non seulement cette force externe à chacun mais également un facteur de changement interne et insu. Comme l’écrit H. Mazurel, « les énergies pulsionnelles (pulsions sexuelles, d’agressivité ou de conservation, etc.) n’existent en effet que manipulées, travaillées, modelées par le social-historique ».