La biologie du genre en question

Les différences entre hommes et femmes sont-elles inscrites dans notre physiologie ou dans les rapports sociaux ? Trois essais récents permettent de dépasser les oppositions stériles qui structurent le débat.

Le cerveau des femmes est en moyenne plus petit que celui des hommes. Au XIXe siècle, ce constat servait à justifier une prétendue infériorité intellectuelle de la gent féminine. De nos jours, plus personne n’attribue de valeur à cet argument, et il ne saurait être question d’infériorité quelle qu’elle soit. Reste que l’on admet très souvent que chaque sexe possède des aptitudes différentes et que celles-ci devraient pouvoir s’expliquer par des facteurs anatomiques ou physiologiques. Du coup, les recherches différentielles sur les cerveaux masculin et féminin vont bon train et, régulièrement, des chercheurs annoncent avoir compris pourquoi les femmes seraient moins portées vers la logique, plus enclines à communiquer, moins avides de positions de pouvoir, ou davantage capables d’empathie.

Pour Cordelia Fine, psychologue, auteure de Non, le cerveau n’a pas de sexe et Rebecca Jordan-Young, spécialiste en sciences sociales de la santé, tout cela n’est que sexisme larvé. Dans leurs deux livres récents, elles s’élèvent en effet contre les failles de cette biologie du sexe. Et leur conclusion est sans appel : ces explications, affirment-elles, sont construites à coup de simplifications, d’inconsistances, d’hypothèses gratuites et de généralisations abusives… En voici un exemple : pour les biologistes, les cerveaux d’un embryon mâle et d’un embryon femelle sont similaires lors des premières phases de leur développement dans l’utérus. Mais à partir de la huitième semaine, les testicules de l’embryon mâle relâcheraient une forte quantité de testostérone. Cet afflux d’hormones agirait-il sur les comportements ? Des expériences conduites sur des rats suggèrent que l’idée est plausible. C’est suffisant pour que beaucoup de psychologues et de neurobiologistes affirment que le taux élevé de testostérone dans l’embryon mâle a pour conséquence d’initier des processus biochimiques qui « masculiniseraient » son cerveau et expliqueraient, par exemple, la plus grande agressivité des petits garçons comparés aux petites filles. Pourtant, quand les observations sont faites sur des macaques, et non des rats, les résultats ne sont pas concluants. La généralisation à l’homme à partir du rat est donc abusive. Sans parler du fait que, même en s’en tenant aux rats, toutes les expériences sont loin d’être probantes. Les préconceptions sexistes de certains chercheurs les auraient donc conduits à décréter trop rapidement l’influence de la testostérone sur la masculinisation des attitudes.