Pour tester la solidité du raisonnement d’un enfant, dites-lui que (a) « les éléphants sont des mangeurs de foin » et (b) « les mangeurs de foin ne sont pas lourds ». Demandez-lui ensuite si cela veut dire que (c) les éléphants sont lourds ? Les enfants d’école primaire (6-12 ans) répondent souvent que oui, alors que rien ne leur permet de déduire logiquement cette conclusion des prémisses du syllogisme, c’est-à-dire des deux premières phrases (a et b). Il a été démontré que la difficulté de ce type de tâche de raisonnement au cours du développement est de parvenir à inhiber le contenu sémantique de la conclusion, c’est-à-dire ici la forte croyance des enfants quant au poids des éléphants. D’où leur réponse automatique et intuitive.
Piaget remis en cause
En fait, il y a trois systèmes cognitifs dans le cerveau. L’un est rapide, automatique et intuitif (le système 1). L’autre est plus lent, logique et réfléchi (le système 2). Un troisième système, sous-tendu par le cortex préfrontal, permet l’arbitrage, au cas par cas, entre les deux premiers. C’est ce système 3 qui assure l’inhibition des automatismes de pensée (système 1 : par exemple, « les éléphants sont lourds ») quand l’application de la logique (système 2) est nécessaire. Chez l’enfant, les deux premiers systèmes se développent en parallèle car les bébés ont déjà des capacités logiques, mais le troisième système et sa capacité inhibitrice arrivent plus tard. Ce cerveau dit « exécutif » dépend de la maturation du cortex préfrontal.
Historiquement le système 2, logique, a d’abord été mis en valeur. C’est le logos d’Aristote dans l’Antiquité (les syllogismes). C’est ensuite la méthode de René Descartes et ses « règles pour la direction de l’esprit » à la Renaissance. C’est enfin, au XXe siècle, l’intelligence logico-mathématique chez l’enfant étudiée par Jean Piaget de l’université de Genève.