La différence des sexes est-elle culturelle ?

Les différences entre hommes et femmes sont le produit de la société et de la culture : c'est à partir de ce postulat que les sciences humaines analysent les comportements et les rôles de chacun et de chacune, questionnant la domination masculine.

Aujourd'hui le genre désigne bien plus qu'une classification grammaticale distinguant le féminin du masculin. Apparue récemment dans le vocabulaire des sciences humaines, la notion de genre s'attache à montrer que les différences entre les sexes ne sont pas seulement issues de la nature biologique, mais aussi ? et surtout ? d'une construction sociale et culturelle.

« On ne naît pas femme, on le devient », avait écrit Simone de Beauvoir en 1949, dans un essai qui analysait les inégalités de statut entre hommes et femmes dans la société 1. Se doutait-elle de l'impact de cette petite phrase, devenue le socle fondateur d'un nouveau concept qui allait engendrer un nombre considérable de travaux : les études sur le genre ?

Ce n'est cependant qu'à la fin des années 1960, dans les travaux des féministes anglo-saxonnes, qu'apparaît le terme de gender (genre). Aux Etats-Unis, les women's studies bénéficient dès cette époque d'un ancrage institutionnel ? enseignement et programmes d'études, revues et colloques... Dans un ouvrage considéré comme fondateur, Sex, Gender and Society, la sociologue américaine Ann Okley souligne la différence entre le « sexe biologique » et le « sexe social ». L'enjeu ? tout aussi politique que scientifique au départ ? est de « remettre en cause une idéologie naturalisante liant les différences psychologiques, comportementales, sociales entre les hommes et les femmes à des différences d'ordre biologique 2 ».

Sciences de l'homme, sciences de la femme...

En France, depuis une dizaine d'années, les études sur le genre sont reconnues comme un champ de recherche à part entière, avec une assise institutionnelle au CNRS et dans les universités. Le nombre de revues et la production éditoriale sur la question attestent d'ailleurs de son dynamisme. Plusieurs facteurs ont favorisé le développement de ces travaux : l'afflux d'une part, à partir des années 1970, des femmes, étudiantes puis enseignantes à l'université, plus enclines à explorer ces sujets ; parallèlement, l'explosion des sciences sociales, avec une sociologie du travail féminin ou une anthropologie de la famille qui questionnaient les rôles de chacun des sexes...

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Dans la sociologie du travail, par exemple, les femmes ont longtemps été invisibles. « L'étude d'ateliers taylorisés, faite par Georges Friedmann en 1956, ne prend à aucun moment en compte le fait que les ouvriers concernés sont des travailleuses (...). Beaucoup des ouvriers de la célèbre manufacture des tabacs analysée par Michel Crozier étaient des ouvrières... », souligne Margaret Maruani 3. Certes, dans les années 1960, lorsque se développe ce champ de recherche, les femmes sont moins présentes dans la population active (32 %), et l'on baigne encore dans ce que la sociologue Viviane Isambert-Jamatti a appelé « l'idéologie de la gardienne du foyer ». Les choses changent à partir des années 1970. Les premières études féministes voient le travail féminin sous l'angle de l'exploitation capitaliste et patriarcale : usage particulier fait de la main-d'œuvre féminine (réservée aux tâches répétitives et les plus dévalorisées) et surtout, dévoilement du travail domestique. Dans une enquête célèbre 4 ? longtemps évoquée dans la presse avec une ironie mordante ?, des sociologues démontrent que le nombre d'heures consacrées au travail domestique était supérieur, en 1975, au nombre d'heures passées par les actifs dans le travail professionnel.