La Méditerranée

La Méditerranée. Mer de nos langues, Louis-Jean Calvet, CNRS, 2016, 327 p., 25 €.

Au moins cinq grandes familles de langues parlées et écrites se sont rencontrées au fil du temps sur les rives de la Méditerranée, rivalisant et se mêlant aussi. Quels furent leurs destins, et pour quel équilibre aujourd’hui ?

Ce qui se dit olio en italien, se dit ladi en grec moderne, huile en français, et aceite en espagnol. Or c’est d’un même fruit, dont les rives de la Méditerranée sont si riches, que tous ces mots proviennent : l’olive, qui se dit olea en latin, elaia en grec ancien et zitoun en arabe. L’olivier et les produits que l’on en tire font tellement partie du paysage méditerranéen que leur présence se rit des frontières entre les langues. Voilà qui les unit, mais pas seulement cela, car migrations, conquêtes et échanges ont aussi brassé populations et langues. C’est ainsi que celle de Cervantes a hérité bon nombre de mots et expressions arabes comme aceituna (zitoun) et ojalá (Inch Allah), tandis qu’au Levant arabophone, on extrait du bitrol, du latin petroleum, ou « huile de pierre ». Selon Louis-Jean Calvet, si les langues ont une histoire, et donc changent, ce n’est pas seulement au rythme de leurs propres mutations mais aussi parce qu’elles se frottent les unes aux autres et à un environnement politique et social changeant. La Méditerranée, prise dans toute son étendue, forme un écosystème linguistique particulièrement riche et ancien. Ses rivages ont attiré des peuples parlant des langues différentes, qui sont toujours vivantes : le grec, l’hébreu, les langues romanes, l’arabe et le turc. Des migrations et des colonisations anciennes ont vu naître et se répandre les alphabets : grec (qui donnera les cyrilliques), latin et arabe. Quatre empires au moins s’y sont succédé, propageant l’usage de langues, celles du pouvoir, du commerce ou de la religion, dont certaines n’ont pas survécu.