La nouvelle richesse du monde

En une génération, le sud de la planète a connu un dynamisme sans précédent. La pauvreté est en chute libre, des classes moyennes ont émergé et découvert la société de consommation. Au nord, l’économie ne se porte pas si mal.

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Pour comprendre l’évolution de l’économie mondiale inutile d’aligner des tablaux de chiffres, des cartes, des notions abstraites (PIB, mondialisation…), il suffit de s’asseoir à la terrasse d’un café parisien, regarder et écouter.

Installé en terrasse d’un café sur le boulevard Saint-Germain il y a trente ans, vous auriez vu et entendu parler italien, anglais, vu passé un car de touristes japonais avec leur appareil photo en main. Aujourd’hui, au même endroit on entend aussi parler russe, on voit passer des touristes chinois, brésiliens et même quelques Indiens (même si pour ces derniers Londres reste leur première destination). Ils visitent, ils font des selfies, ils achètent. Ils font partie de ces nouvelles « classes moyennes » des pays émergents. Nul ne sait combien ils sont : un milliard est un ordre d’idée 1, mais une chose est assurée : ces classes moyennes des pays émergents, dont une partie alimente le flot de nouveaux touristes, incarnent un phénomène historique de grande ampleur : le Sud de la planète, l’ancien « tiers-monde », vit ses « trente glorieuses » et fait entrer l’économie mondiale dans un nouvel âge.

Comparativement, le Nord fait forcément moins bonne figure. Pourtant, toujours à la terrasse du café, regardez bien : les vitrines, les gens qui avancent les yeux rivés sur leur téléphone portable, les consommateurs qui sortent des magasins un sac en main, les coureurs à pieds, les terrasses bondées au moment du happy hour. Sur les trottoirs, plus de cabine téléphonique à pièces (c’est déjà le passé !) mais des distributeurs de billets à chaque coin de rue. Et à côté, un homme ou une femme assis sur le sol qui vous regarde et tend la main. De la terrasse d’un café, on peut observer beaucoup de choses. Un premier constat s’impose : en trente ans, le monde entier s’est beaucoup enrichi.

Les trente glorieuses (1945-1975) avaient été une période de boom économique sans précédent et qui prolongeaient déjà une explosion vertigineuse de la production mondiale (fig. ci-dessous). Depuis les années 1980, les crises, le chômage de masse et la nouvelle pauvreté ont fait croire à un marasme généralisé. En réalité, la croissance moyenne s’est poursuivie à un rythme soutenu (2 % l’an) conduisant au doublement de la production mondiale depuis 1990 2.